Algérie-Egypte : comment Moubarak a menti à Bouteflika
Ali Idir (TSA)
L'Algérie a failli ne pas jouer son premier match contre l’Egypte, samedi dernier au Caire. L'équipe nationale, dont le bus avait été caillassé, deux jours avant la rencontre, entre l'aéroport du Caire et son hôtel, allait rentrer au pays en signe de protestation.
Informé de l'agression contre les Verts - Pour rappel, TSA a été le premier média à avoir publié l’information sur l’agression des joueurs algériens-, le président Abdelaziz Bouteflika réunit aussitôt de hauts responsables du pays. Rapidement, l'option du rapatriement de l'équipe nationale est retenue. L'agression des Verts prend alors les allures d'une véritable affaire d'Etat entre les deux pays. Les heures qui suivront allaient être déterminantes pour le maintien ou non du match.
Dans la capitale égyptienne, une course contre la montre est engagée pour convaincre les Algériens de jouer. Djamel, le fils du président égyptien Hosni Moubarak, se rend personnellement à l'hôtel des Verts. Il présente des excuses officielles en minimisant l'attaque contre le bus des joueurs. La délégation algérienne refuse poliment.
Les joueurs, blessés et choqués, ne sont pas aptes à jouer un match décisif pour la qualification au Mondial 2010.
La FAF veut le report ou le déplacement de la rencontre dans un autre pays. La FIFA, saisie par son représentant en Egypte, annonce qu'elle rendra sa réponse vendredi sur le maintien ou non du match.
L'affaire tient les deux pays en haleine. Mais, peu avant minuit, le président Moubarak appelle son homologue algérien, Bouteflika. L'échange est bref. Moubarak présente ses regrets sur l'agression contre l'équipe et s'engage à protéger la délégation algérienne en envoyant sa propre garde rapprochée. En échange, le président Bouteflika accepte le maintien du match au Caire. Le lendemain, la FIFA annonce que la rencontre est maintenue au Caire, à l'endroit et à l'heure prévus initialement : 18h30 au stade du Caire.
La tension baisse d'un cran. Les Egyptiens donnent l’impression de tenir parole en affectant d'importantes forces de sécurité pour sécuriser le bus des Verts. Mais ils continuent de tricher. Le bus de l'équipe nationale met plus d'une heure pour faire le trajet entre l’hôtel et stade au lieu d'une dizaine de minutes habituellement. Le chauffeur égyptien prend un chemin plus long pour énerver et déconcentrer les joueurs algériens. La veille, des supporters égyptiens avaient assiégé l'hôtel des Verts en klaxonnant et en criant pour les empêcher de dormir. La police n’a rien fait pour les disperser.
Samedi, les joueurs algériens entament et terminent le match, la peur au ventre. La peur d'être agressé ou tués. Durant les quinze premières minutes, des joueurs de classe mondiale comme Ziani et Meghenni réussissent à peine franchir la ligne médiane du terrain et effectuer quelques passes correctes.
Le match se termine par une victoire égyptienne (2-0) dans un climat de tension. Les deux équipes doivent se rencontrer une nouvelle fois mercredi à Khartoum pour un match d'appui.
Les 2 000 supporters algériens quittent le stade du Caire. Dehors, les supporters égyptiens prennent le contrôle des rues désertées par la police égyptienne. L'humiliation et le tabassage des Algériens commencent, sans aucune intervention des forces de l'ordre. Des dizaines de blessés sont enregistrés. Des informations faisant état de morts
parviennent en Algérie.
La rue algérienne, encore sous le choc de la défaite et de l’agression des Verts, est indignée. Le président Bouteflika appelle Moubarak. Le rais égyptiens dit à son homologue algérien qu'il s'était engagé à protéger la délégation officielle et non les supporters. Il explique qu’il n’a pas le pouvoir de maîtriser 80 millions d’Egyptiens.
Bouteflika s'estime piégé et décide d'organiser un pont aérien Alger-Khartoum pour transporter les supporters algériens. Billets gratuits offerts par l'Algérie, visa supprimés par le Soudan… Plus de 16.000 Algériens se rendent à Khartoum où les autorités n’ont offert que 9000 billets d’entrée au stade. Mais peu importe : l’essentiel est d’être présent à Khartoum pour soutenir les Verts, même à l’extérieur du stade.
Mercredi, les Verts prennent leur revanche en battant les Pharaons par un but à zéro et se qualifient au Mondial 2010, après une belle prestation collective. Là encore, le match se termine dans la tension. Dehors, les Algériens veulent se venger des Egyptiens, mais la police soudanaise contrôle la situation.
En réalité, un carnage est évité grâce à la coopération des autorités algériennes. Les services de sécurité algériens présents avec l'équipe nationale et les supporters à Khartoum prennent les choses en main et évitent un véritable bain de sang dans les rues de la capitale soudanaise. Seuls quatre Egyptiens sont légèrement blessés dans le caillassage de leur bus par des Algériens. Ils peuvent s’estimer heureux…