Youssouf Fofana, petit caïd obsédé par l’argent
PROFILLe chef de gang a accumulé les délits depuis l’âge de 16 ans.
Dans sa cité du Prunier-Hardy à Bagneux (Hauts-de-Seine) et au sein de sa bande de paumés sans le sou qui ont marché dans ses «plans», Youssouf Fofana était appelé «barbarians’ brain»,«the brain», «le boss»,«Oussama»,«le django» ou «le grand qui fait peur». Né à Paris (XIIe arr.) le 2 août 1980, Youssouf Fofana est le cinquième d’une fratrie de sept gosses. Son père, Bakary, a débarqué de Côte- d’Ivoire à Paris il y a trente-cinq ans, a été embauché comme manœuvre puis comme ouvrier vitrier, et sa mère, Fatouma, a élevé les enfants. Les Fofana ont déménagé dans un grand appartement à Bagneux en 1989. Youssouf a été catastrophique au collège Joliot-Curie de Bagneux et n’a pas décroché son BEP de comptabilité au lycée professionnel de Montrouge.
Braquages. Il zone depuis l’âge de 16 ans, accumule les petits délits (13 sur sa fiche de police) et a été condamné cinq fois entre 2000 et 2003 pour vols, violences volontaires, deux braquages et agression d’un policier. Son père savait que Youssouf a fait trois ans de prison après sa majorité mais en a oublié la raison, et déplore qu’il n’ait «pas compris qu’il fallait changer et travailler honnêtement après». Youssouf habitait à la maison, comme les autres enfants, mais ne rangeait jamais rien et n’aidait pas financièrement ses parents, contrairement à son cadet Mamadou. Aux yeux du père, Youssouf est «très croyant» : «Il fait la prière cinq fois par jour et va à la mosquée de Bagneux, mais par contre il ne travaille pas, et moi, ça m’énerve. Ça me fait mal. Moi, je suis vieux, je me lève tous les jours à 6 heures et Youssouf, lui, ne fait pas d’efforts.»
Sorti de prison en 2002, Youssouf est devenu «parano», endurci, et monte des business illégaux. Il a ainsi trempé dans des «opérations de racket». Des tentatives d’extorsions de fonds sous couvert de groupes terroristes - Front populaire de libération de la Palestine ou Armata Corsa - ont visé en 2004 des personnalités, dont un quart de juifs, menacées et sommées de payer : Jérôme Clément, patron d’Arte, Rony Brauman, fondateur de Médecins sans frontières, Me Joseph Cohen-Sabban, avocat pénaliste parisien, le PDG des magasins BUT, des dirigeants de Mercedes, Sony, BMW, IBM, Toshiba, Bouygues… en ont été la cible.
Scénario. En 2005, ce sont des notaires et des médecins qui ont été victimes de chantages mais n’ont pas déboursé. Dès avril 2005, Youssouf Fofana imagine des «plans enlèvements» avec des filles pour piéger des hommes supposés riches, et en a projeté neuf qui ont échoué, avant le rapt d’Ilan Halimi. «The brain» a tout manigancé, et promis 5 000 euros par aguicheuse et par geôlier. Sa mère, qui lui donne «15 ans d’âge mental», ne le voyait pas du tout en «chef de gang» car, «pour être chef, il faut avoir de l’argent. Il n’en avait pas. C’était moi qui lui donnais son argent de poche quand il en avait besoin». Mégalo, Fofana se croit malin et misait sur le versement d’une rançon via la Western Union en Côte-d’Ivoire, où il se croyait à l’abri. Mais les policiers exigeaient un contact physique pour la remise des fonds. Son plan a mal tourné.
Depuis son extradition d’Abidjan, Fofana injurie ses juges et a été condamné en 2007 à un an de prison pour outrage à magistrat. Lors de ce procès, Fofana alias «Oussama» ou «Mohammed» a pointé en silence le ciel du doigt, signe qu’il s’adresse à Allah. Un de ses anciens avocats cité dans le Journal du dimanche ne le croit«pas fou» mais «profondément amoral»et obsédé par l’argent, prêt à écrire un livre ou un scénario en prison pour en gagner : «Il raisonnait toujours en termes de fric. Au début, il s’était dit "enlevons un juif, ils ont de l’argent et ils sont solidaires", mais je suis persuadé qu’il aurait pu enlever pour les mêmes raisons un Auvergnat ou un Libanais.»
Source liberation