Le jour de sa libération, les autorités pénitentiaires marocaines avaient promis et garanti à Ali qu’il pourrait passer la frontière espagnole pour rejoindre son père.
La crise sanitaire en a décidé autrement : tout passage entre le Maroc et Melilla espagnole était bloqué.
Même avec une attestation médicale sur l’état de santé préoccupant de son papa, Ali n’a pas obtenu l’autorisation de passage de la part de l’Espagne.
Les autorités espagnoles ont même pris la peine de préciser qu’Ali Aarrass ne devait pas se faire d’illusions : cette interdiction de passage était particulièrement d’application pour celui qui sortait d’une prison marocaine pour terrorisme.
Il faut savoir que c’est l’Espagne qui a extradé Ali Aarrass au Maroc en 2010, après qu’il avait été jugé et innocenté par des juges de ce même pays !
L’Espagne a ainsi foulé aux pieds toutes les règles internationales, comme la demande du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme à Genève de suspendre l’extradition.
En 2014, le Comité des Droits de l’Homme de l’Organisation des Nations Unies a publié une résolution déclarant l’extradition d’Ali Aarrass vers le Maroc «illégale».
Le Comité demandait que l’Espagne répare le tort et qu’une compensation adéquate soit donnée au prisonnier.
L’Espagne devait aussi «assurer une enquête effective sur le traitement qu’avait reçu Ali Aarrass au Maroc » afin de «prévenir des violations similaires dans le futur».
Jusqu’à ce jour, l’Espagne a refusé de donner suite à toutes les demandes du Comité de l’ONU.
Et son attitude de pays voyou dans l’affaire Ali Aarrass explique ce qui lui est arrivé à dans l’événement que voici.
Huit mois après sa libération, et son père devenant de plus en plus fragile et souffrant, Ali Aarrass prend son courage à deux mains et décide d’aller le voir.
Il prend donc l’avion vers l’Espagne.
Voyage avec transit à Malaga vers Melilla. Avec en poche l’attestation médicale de son père.
À l’aéroport de Charleroi, tout se passe normalement.
Mais une fois sorti de l’avion à Malaga, il est interpellé et interrogé par les policiers de la Guardia civil sur ses mouvements, les raisons de son déplacement, ses plans etc.
Tout l’entretien est filmé.
Puis Ali est accompagné vers la sortie par la police, où l’attendent son frère et son oncle.
Les trois partent en voiture, mais sont aussitôt suivis par une voiture de la police.
Ce qui se passe après est digne d’un scénario américain. Après de petites courses dans un supermarché, leur voiture est tout à coup bloquée par celle de la police nationale.
Les policiers sortent leurs armes, un d’eux frappe contre le vitre en criant « Mettez vos mains sur le volant ». Ali demande aux policiers de rester calmes et de faire leur travail en respectant les règles.
La voiture est fouillée de fond en comble.
L’identité du frère et celle de l’oncle d’Ali sont notées.
Pourquoi tout ça ?, demande Ali.
« Nous avons reçu un appel du supermarché qu’il y a eu un problème dans le supermarché », dit un policier.
Sans rire. « Mais alors, allez vérifier les images des caméras de surveillance, dit Ali, nous ne sommes pas des voleurs ».
« Cela, on le verra après, réplique le policier, on ne fait que suivre les consignes ».
Les consignes, tout est dit.
Ali décide de ne pas aller loger chez son frère comme prévu, mais dans un hôtel, pour éviter de lui causer des problèmes supplémentaires.
Ce qui n’a pas empêché la police de suivre le frère d’Ali jusqu’à sa maison.
Le lendemain, Ali prend un taxi pour l’aéroport, au lieu de faire appel à son frère, par sécurité.
Quand il arrive à l’aéroport, le même policier que la veille l’y attend…
Et ce n’est pas fini : une fois débarqué à Melilla, il subit un nouvel interrogatoire des policiers espagnols, avant de pouvoir – enfin – rejoindre sa famille.
Si l’Espagne a décidé de persister dans sa politique contre Ali Aarrass avec ce harcèlement agressif, même après douze ans de détention illégale, nous aussi nous persisterons.
Nous continuerons la campagne pour qu’Ali Aarrass soit reconnu comme détenu innocent, qui doit recevoir des réparations pour le mal subi, des trois pays impliqués, le Maroc, l’Espagne et la Belgique.
Ni oubli, ni pardon.