La loi « de déportation » permet, quant à elle, que tout étranger même né en Belgique ou arrivé en Belgique avant l’âge de 12 ans, un parent d’un enfant belge ou l’époux(se) d’un(e) Belge peut être expulsé(e) à l’initiative de l’Office des étrangers sur base de la seule suspicion de menaces contre l’ordre public.
Concrètement cela signifie qu’un étranger établi en Belgique peut être expulsé s’il participe à un piquet de grève, à une action militante ou à une manifestation.
Cela signifie aussi qu’une personne ayant été déchue de sa nationalité, pourra être expulsée vers son second pays même si elle n’y a jamais vécu, ce qui ouvre la voie non pas à la double mais à la triple peine.
Enfin,
la modification du Code consulaire est clairement discriminatoire puisqu’elle introduit une restriction au droit à l’assistance consulaire qui n’est pas justifiable et qui est contraire à l’égalité des Belges devant la loi.
En droit international, l’Etat belge a en effet le devoir d’intervenir pour défendre tous ses nationaux, sauf si l’Etat tiers démontre qu’ils n’ont pas de liens prépondérants avec la Belgique.
En outre, certains Etats dont le Maroc ne prévoient aucune possibilité de renoncer à leur nationalité.
Dans des cas de figure comme celui des belgo-marocains, la nationalité ne procède donc pas d’une volonté du binational.
Pour finir, cette exception au droit à l’assistance consulaire permet au Ministre des Affaires étrangères de choisir, de manière tout à fait discrétionnaire et arbitraire, pour qui il intervient ou non. Il a ainsi refusé d’intervenir en faveur du belgo-marocain Ali Aarrass, extradé illégalement vers le Maroc et torturé, mais il a par contre décidé d’intervenir, tant au niveau diplomatique que consulaire, en faveur de la belgo-nicaraguayenne Amaya Coppens.
La dimension purement arbitraire dans l’application de cette loi n’est pas sans lien avec le fait que les trois dispositions législatives dont il est fait mention plus haut ont été adoptées dans le contexte sensible des attentats ayant frappé Paris et Bruxelles, qui a favorisé et accéléré le processus de criminalisation et de stigmatisation des communautés musulmanes.
Dans ce contexte, il n’est pas abusif de dire que ces trois lois, en confirmant la sous-citoyenneté des binationaux en l’occurrence issus de pays majoritairement musulmans comme le Maroc, contribuent à institutionnaliser une forme de ségrégation raciale à dimension islamophobe. Vous n’êtes d’ailleurs pas sans savoir que des recours auprès de la Cour constitutionnelle ont été introduits pour l’annulation de la loi « de déportation » ainsi que de la modification du Code consulaire.
Dans ce dernier cas, le recours est porté entre autres par la Ligue des Droits humains ainsi que par le Syndicat des avocats pour la démocratie.
Dans une société qui se veut apaisée, égalitaire et démocratique, il est impensable que de telles lois discriminatoires et racistes puissent perdurer.
La question des attentats et la sécurité des citoyens ne peuvent être réglées en décidant de confiner dans un sous-statut une part importante de la population belge, ouvrant ainsi la voie à des traitements d’exception qui rendent en théorie et en pratique inopérants tous les efforts entrepris en termes de cohésion sociale, de « vivre-ensemble » et de lutte contre le racisme.
Devant cette contradiction évidente qu’il y a lieu de dénouer, une seule option s’impose : celle de l’abrogation pure et simple de ces trois dispositions légales iniques et racistes.
Eu égard à ce qui vient d’être présenté, nous vous interpellons en votre qualité de tête de liste pour le parlement fédéral afin que vous répondiez de manière claire aux deux questions suivantes :
1) quelle est la position de votre parti sur ces trois lois ;
2) votre parti compte-t-il demander leur abrogation s’il participe au prochain gouvernement fédéral ?
La réponse à ces questions permettra d’éclairer dans leur choix électoral de ce 26 mai nombre d’électeurs soucieux des droits démocratiques et de l’égalité de droit de tous les citoyens belges.
Nous sommes en effet nombreux à considérer la question des binationaux comme étant structurante de la manière dont la Belgique institue la ségrégation des populations musulmanes à travers des pratiques d’exception qui les touchent de manière ciblée, alimentant ainsi l’islamophobie au plus sommet de l’Etat.
Nous vous remercions d’avance de votre réponse et vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, nos salutations distinguées.
Le Comité Free Ali Aarrass