De quoi s’agit-il ?
Selon le site des Affaires étrangères belges, « l’assistance consulaire est l’aide que les Belges à l’étranger reçoivent du Service public fédéral Affaires étrangères en cas de difficultés à l’étranger ».
Les cas prévus sont nombreux, depuis le décès ou l’accident grave jusqu’à l’arrestation en passant par une situation d’extrême urgence, etc. Or cet article 79, en vigueur depuis le 1er juin 2018, dit ceci :
« Ne peuvent prétendre à l’assistance consulaire les Belges qui possèdent aussi la nationalité de l’État dans lequel l’assistance consulaire est demandée, lorsque le consentement des autorités locales est requis ».
Quand le Covid-19 s’en mêle…
L’actualité la plus récente a alimenté la polémique.
Une partie des milliers de binationaux belgo-marocains coincés au Maroc par la crise du coronavirus et la fermeture des frontières par ce pays à la mi-mars s’est sentie abandonnée lorsqu’il est apparu que son rapatriement posait problème.
Les Affaires étrangères belges ont certes ensuite déployé beaucoup d’efforts pour faire revenir en Belgique un maximum de personnes sans distinguer, clamaient-elles, entre nationaux et binationaux, mais, souvent, la référence à l’article 79 du code consulaire était invoquée par les binationaux frustrés.
Comme nous le dit Me Dounia Alamat, qui plaidait ce jour devant la Cour constitutionnelle, « l’article 79 instaure une exclusion pour les binationaux, même ceux qui ne peuvent se défaire de leur autre nationalité [comme les Belgo-Marocains, NDLR].
Si l’on pensait au départ aux personnes emprisonnées, l’on sait que cette disposition a maintenant une portée plus large ».
La référence aux « personnes emprisonnées » fait écho au sort réservé à Ali Aarrass, binational belgo-marocain qui avait été condamné au Maroc à 12 ans de prison pour terrorisme (sur base d’aveux extorqués sous la torture, comme un rapport de l’ONU en atteste) et auquel les Affaires étrangères avaient d’abord refusé l’assistance consulaire.
L’affaire n’est pas terminée, alors que l’intéressé est sorti de prison, peine purgée, mais reste coincé à Rabat : en 2014, ses avocats avaient fait condamner la Belgique par la justice belge en première instance et en appel mais la Cour de cassation a cassé le dernier verdict pour des raisons complexes de technique juridique.
Ali Aarrass et ses avocats ont maintenant porté l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme.
« Une sous-catégorie de Belges »
Le recours contre l’article 79 du code consulaire est introduit notamment par Ali Aarrass et sa sœur Farida, ainsi que par la Ligue (belge) des droits humains.
Cette dernière parle de « discriminations » : la loi « crée une sous-catégorie de Belges puisque les binationaux n’ont pas droit à l’assistance consulaire lorsqu’ils se trouvent dans le pays de leur autre nationalité.
Ceci est contraire à l’égalité des Belges devant la loi.
Cette restriction au droit à l’assistance consulaire n’est pas justifiable.
Premièrement, la Belgique a le droit, en droit international, de défendre tous ses nationaux, sauf pour l’État tiers à démontrer qu’ils n’ont pas de liens prépondérants avec la Belgique.
Deuxièmement, certains États ne prévoient aucune possibilité de renoncer à leur nationalité.
Dans ces hypothèses, comme celle des Belgo-Marocains, la nationalité ne procède aucunement d’une volonté du binational.
Troisièmement, cette exception au droit à l’assistance consulaire permet au ministre des Affaires étrangères de choisir pour qui il intervient ou non, ce qui est vecteur d’arbitraire ».
Vers une abrogation rapide ?
Comment l’article 79 a-t-il pu être adopté au pas de charge en 2018 à l’unanimité des partis politiques (sauf le Vlaams Belang) ?
Comment, de son côté, le Conseil d’État n’y a-t-il pas non plus vu de discriminations ?
D’aucuns pointent le doigt vers Didier Reynders, alors ministre des Affaires étrangères, pressé d’en finir avec les requêtes qui concernaient Ali Aarrass.
En tout cas, certains regrettent d’avoir voté la révision du code : Écolo, le PS et Défi ont ainsi déposé une proposition de loi visant à abroger l’article incriminé.
Le texte a été discuté en commission des Affaires étrangères ce 17 juin, et il a été décidé de procéder à des auditions d’experts dans les prochaines semaines.
« Je pense que le sentiment d’injustice dans une partie de la population n’est pas complètement infondé, nous explique le député Écolo Samuel Cogolati, qui promeut la révision de la loi.
L’adoption de cette clause discriminatoire est une erreur qu’il convient de corriger au plus vite ».
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