POURQUOI LA RUSSIE A DÉJÀ GAGNÉ
Par
Rachid Achachi le 03/03/2022 à 12h10 (mise à jour le 03/03/2022 à 12h43)
«Car à en croire les médias occidentaux qui relayent et prennent sciemment pour parole d’évangile tous les communiqués du ministère ukrainien de la Défense, l’armée russe aurait déjà échoué en Ukraine. Cependant, en croisant les déclarations des Russes, des Ukrainiens et des témoignages sur le terrain, la situation semble tout autre».
En préambule, je tiens à signaler qu’il n’est aucunement question ici de prendre position pour l’un ou l’autre acteur du conflit qui se déroule depuis quelques jours en Ukraine, bien que j’aie ma position personnelle. Il s’agit avant tout d’analyser en partant des faits, les conséquences géostratégiques plus que géopolitiques de cet affrontement qui va au-delà de l’Ukraine. Car il est évident désormais que depuis l’avalanche des sanctions occidentales contre la Russie (économiques, sportives, culturelles, etc.), le bras de fer oppose en réalité la Russie au monde occidental dans sa totalité. Certains à l’image du ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire, n’a pas hésité à parler de «guerre économique totale» déclarée par l’Occident contre la Russie et de l’effondrement irrémédiable de son économie, avant d’être sèchement recadré par Dimitri Medvedev.
Mais limitons-nous dans cette chronique au théâtre d’opération ukrainien. Car à en croire les médias occidentaux qui relayent et prennent sciemment pour parole d’évangile tous les communiqués du ministère ukrainien de la Défense, l’armée russe aurait déjà échoué en Ukraine.
Cependant, en croisant les déclarations des Russes, des Ukrainiens et des témoignages sur le terrain, la situation semble tout autre.
L’armée russe s’est arrogée dès les premiers jours une supériorité aérienne totale. Notamment grâce à des frappes chirurgicales à l’aide de missiles de croisière de type «Kalibr-3M», qui ont détruit tous les aérodromes militaires, les systèmes de défense antiaériennes, les radars, les centres de commandements et de communication de l’armée ukrainienne. Les forces ukrainiennes sont désormais aveugles du fait de l’absence de radar, et incapables de manœuvrer sur leur territoire sans couverture aérienne et de coordonner leur mouvement. Dans ce contexte,
le choix de Kiev fut d’abandonner les grands espaces aux Russes, et de tenter de convertir les principales villes en forteresses, dans une perspective de guerre urbaine.
La Russie, s’étant interdite à elle-même de recourir à des bombardements massifs dans les villes ukrainiennes, espérant toujours pouvoir retourner la population contre le pouvoir de Kiev mais également l’armée ukrainienne qui fut invitée par Poutine à faire un coup d’Etat,
a opté pour une stratégie d’encerclement et de désarticulation de l’armée de terre ukrainienne. Rappelons qu’au moment de l’attaque russe, la composante la plus aguerrie et la mieux préparée de l’armée ukrainienne et des milices ultranationalistes (Régiment Azov et Pravyi Sektor) se trouvait à l’Est, sur la ligne de front contre les rebelles du Donbass.
L’encerclement de Kharkiv et de Marioupol visait avant tout à empêcher une retraite stratégique de ces régiments à Kiev.
La capitale ukrainienne se trouve donc de fait privée de l’essentielle de son armée. D’où la décision de distribuer 25.000 Kalachnikov et 10 millions de munitions à des civils, dans la perspective d’une éventuelle guerre urbaine à Kiev.
Quant aux aides militaires annoncés par l’Occident, elles relèvent davantage d’un
effet d’annonce communicationnel que d’une aide effective. Et cela pour au moins deux raisons. Car la question qui se pose, est
comment ces armes létales parviendront-elles à l’armée ukrainienne?
Premièrement la voie maritime est totalement exclue, car l’armée navale russe a une suprématie totale en mer noire. De même, la quasi-intégralité des côtes ukrainiennes sont désormais sous contrôle russe, depuis la prise éclair du port de Berdiansk et de la ville de Kherson. Quant à Odessa, dernier grand bastion ukrainien sur la mer noire, elle est soumise à un blocus naval par l’armée russe.
Deuxièmement la voie terrestre. La Hongrie ayant officiellement annoncé que non seulement elle ne livrerait aucune arme à Kiev, mais qu’également aucun armement ne passera par son territoire pour atteindre l’Ukraine, les deux seuls pays de transit qui restent sont la Pologne et la Roumanie, puisque la Biélorussie au Nord est un allié inconditionnel de Moscou. Quant à la Moldavie, non seulement elle ne fait pas partie de l’OTAN, mais elle est séparée de l’Ukraine par la république auto-proclamée de Transnistrie.