Egypte : paroles de femmes face à l'excision
(Du Caire) Officiellement interdite depuis dix ans, lexcision reste largement répandue sur les bords de Nil. Le mois dernier, une fillette de 13 ans est décédée dans un petit village du delta au cours de son « opération » . Lhistoire choque une opinion égyptienne déjà ébranlée, deux mois plus tôt, par le décès dune autre adolescente dans les mêmes circonstances.
Longtemps accusé de laxisme dans sa lutte contre cette pratique ancestrale, le ministre de la Santé se dit depuis déterminé à léradiquer « définitivement » et promet une loi en novembre. La semaine dernière, quatre médecins égyptiens et une sage-femme ont été mis en examen, pour avoir pratiqué lexcision dans le sud du pays.
96% des femmes mariés sont excisées
Mais la tâche est grande. Selon une étude réalisée en 2005, 96 % des femmes mariées seraient excisées, bien quaucune religion ne recommande cette pratique. Cest lun des taux les plus élevés parmi les 28 pays africains qui, de la Somalie au Sénégal, pratiquent différentes formes de mutilation génitale.
Om Safin a 53 ans. Elle est femme de ménage à Manshiet Nasr, un quartier populaire du Caire. Elle a été excisée un soir dété, quand elle avait 11 ans. Parure de fête et tatouage au henné : elle sy était préparée « comme pour aller au bal » . « Je ne savais pas ce qui mattendait, mais jétais toute excitée.
Malgré le choc, trente ans après, elle choisit de faire exciser ses deux filles. On dit partout que les filles non excisées sont impures, sautent sur les hommes et ne trouvent pas de mari. Une mère digne de ce nom ne peut pas vouloir cela pour ses filles , explique-t-elle. Aujourdhui, elle regrette.
Une question de vie ou de mort
Depuis cinq ans, Nadia Kamel dirige le programme de lutte contre lexcision du Croissant rouge égyptien, mené avec lUnicef. Selon elle, il faut cesser de condamner ces mères : Pour les familles cest une question de sécurité. Lexcision représente la possibilité dun mariage donc dun futur heureux. Cest presque une question de vie ou de mort.
Assises en rond au milieu du jardin de lorganisation, Samiah, Om Mana et les autres frémissent. Premières bénéficiaires du programme de Nadia Kamel, elles veulent raconter , avides de partager un traumatisme trop longtemps enfoui. Dabord, elles citent plus volontiers le cas de la voisine. Celle qui a dû se faire exciser après son mariage pour satisfaire son mari , ou lautre que lexcision a rendu infertile .
Puis surgissent les cas personnels. Jai été recousue dans la poussière. Il marrive den cauchemarder encore, raconte Samiah. A cause de cela, je nai jamais pu avoir de rapports normaux avec mon mari . Ici, toutes les femmes en sont convaincues : elles épargneront leurs filles. Mais cela implique de lutter contre un environnement souvent hostile.
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