En vérité, culturellement et historiquement l’homme supérieur opprime les faibles, et cela depuis les Grecs et les Romains, les Égyptiens et les Juifs. Chez eux, le faible, celui qui n’est pas favorisé par une bonne naissance est un esclave ; l’homme supérieur à tous les droits sur lui. C’est sur ce rapport entre maître et esclave que s’est élaborée la démocratie. Depuis toujours dans ce système il y a les riches, une élite d’un bord, et la masse des pauvres, de l’autre.
Vers la fin du 18e siècle, les pauvres en ont eu assez de cette condition et ont lutté pour le changement. Ils se sont accaparés à grand-peine, par le fer et le sang, une partie du pouvoir. Seulement une partie, car jamais le peuple faible et pauvre n’a pu en jouir complètement, jamais.
Mais au moins le citoyen au XXe siècle a voix au chapitre et peut espérer, quand il vit dans un pays riche et développé, à l’instar de certains en Europe ou en Amérique du Nord, ne plus être abusé ou réduit en esclavage par l’homme supérieur (oui, oui, on sait, l’homme supérieur n’existe pas…). Mais cette liberté, cette notion démocratique -le meilleur des gouvernements- n’est pas ancienne comme on nous l’enseigne et aime à nous le faire entendre. Elle n’a surtout rien à voir avec la Grèce, n’en déplaise à ceux qui ne jurent que par cette croyance. Tant que l’on colporte ce dogme comme étant le phare de l’humanité, on nourrit l’ignorance du peuple.
L'homme faible, ayant vu se réaliser une partie de ses revendications, peut dorénavant se targuer de ne point pouvoir être réduit en esclavage ou abusé dans nos sociétés modernes riches et développés ?
Cependant, la liberté se résume t-elle à l'unique présence de chaines visibles ou peut-on dire d'un citoyen, en apparence libre, qu'il ne l'est pas tout à fait car contraint par une masse informe de normes dont le non-respect entraine une sanction immédiate caractérisé par un anathème sociétal, au mieux et un enfermement (un retour donc des chaines visibles), au pire.
Un sociologue affirmait que la société moderne, comparativement à celles traditionnelles, se constituait telle une autoroute sur laquelle régnait tout un tas de règles qui contraignaient fortement les individus qui se devaient ainsi de rouler à une allure déterminée, qui ne pouvaient se permettre de reculer ou de changer de voies comme bon leur semble ou encore, de rouler sur le bas côté ou prendre des trajectoires légèrement différentes de celles autorisées.
Ainsi, l'individu moderne n'est pas nécessairement plus libre que ses aieuls. S'il a manifestement gagné en liberté sur certains aspects, il a perdu également sur bien d'autres aspects (ainsi, peut-il planter sa tente ou bon lui semble, changer d'habitation si facilement, se déplacer dans d'autres frontières à sa guise, faire un barbecue où il le désire, ne pas répondre à tout un tas de procédures en tout genre etc....).
Désormais, toute sa vie semble régler comme du papier à musique et ses marges de manoeuvre semblent particulièrement réduites. Seuls les fous et les marginaux tentent encore de s'extirper de cette pieuvre géante qu'est notre société moderne et qui tend à régir tous les domaines de notre vie (même les plus privés).
Quant à l'illusion de pouvoir que caractérise son droit de vote. Celle-ci ne doit pas faire oublier que le suffrage universel est avant tout un immense outil de légitimation des gouvernants qui permet, au contraire, de solidifier fortement le système et le pouvoir de ceux qui se trouvent à sa tête. Ainsi, plus de révolte possible contre des institutions qui semblent en apparence émaner du peuple, là où la dictature était nécessairement instable de par sa légitimité qui ne reposait que sur la terreur qui pouvait donc être surpassée (ce qui se produisait immanquablement à un moment ou un autre)
La démocratie moderne a permis de faire en sorte que certains puissent abuser du pouvoir, s'enrichir grâce à celui-ci et se permettre toutes sortes de dérives sans que l'idée ne vienne à quelqu'un de sortir dans la rue afin de réclamer son abolition puisque celle-ci semble désormais résulter de la volonté du peuple du fait de son "pouvoir" de vote.
Certains analystes affirmaient que ce que l'on pu remarquer au gré de l'ouverture des droits de vote aux différentes composantes des sociétés dans les pays Occidentaux, c'est un renforcement des partis conservateurs qui, au contraire, ne visaient pas à casser l'ordre établi et à bousculer les sociétés. Ainsi le droit de vote constituait le meilleur outil pour barrer la route aux revendications de modernité.
C'est, par-exemple, pour renforcer son pouvoir personnel que De Gaule fit un coup d'état à la constitution de 1958 en demandant l'application du scrutin direct pour la présidentielle et nullement pour agrandir le pouvoir du peuple.