L'Egypte, pays arabe le plus hostile aux femmes
Source : Reuters
12/11/2013 à 18:56
Harcèlement sexuel, discriminations et violences diverses envers les femmes : en dépit de la révolution de 2011, l'Egypte est le pays du monde arabe qui apparaît le plus cruel pour les femmes, selon une enquête publiée mardi par la Fondation Thomson Reuters.
L'Irak arrive en deuxième position, suivi par l'Arabie saoudite, la Syrie et le Yémen. Les Comores, où les femmes détiennent 20% des postes ministériels et où les épouses conservent leur terre ou leur maison après un divorce, arrivent en tête, suivies par Oman, le Koweït, la Jordanie et le Qatar.
Pour sa troisième enquête annuelle sur les femmes, la Fondation a interrogé en août et septembre 336 spécialistes dans 21 Etats de la Ligue arabe et en Syrie (suspendue de la Ligue) pour donner un tableau global de la situation des droits des femmes trois ans après les différents "Printemps arabes".
"Comme le montrent les tristes résultats de ce sondage, nous les femmes avons besoin d'une double révolution, l'une contre les divers dictateurs qui ont ruiné nos pays et l'autre contre un ensemble toxique de culture et de religion qui ruine nos vies en tant que femmes", commente l'éditorialiste Mona Eltahawy.
Les questions ont été rédigées à partir des dispositions prévues dans la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination envers les femmes, signée ou ratifiée par 19 Etats arabes.
L'Egypte affiche un mauvais score dans tous les domaines. Les femmes ont joué un rôle central dans la révolution de 2011 mais l'influence croissante des islamistes, qui a culminé dans l'élection du président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, en juin 2012, s'est traduite par un recul pour les droits des femmes.
HARCÈLEMENT SEXUEL
En Egypte, 99,3% des femmes et des filles sont soumises à des faits de harcèlement sexuel, selon un rapport des Nations unies qui remonte au mois d'avril. Ce pourcentage, estiment certains analystes, est le reflet d'une montée générale de la violence dans la société égyptienne depuis cinq ans.
Selon l'ONG Human Rights Watch, 91 femmes ont été violées ou agressées sexuellement en public sur la place Tahrir en juin 2013 quand les manifestations anti-Morsi se sont intensifiées.
"L'acceptation par la société du harcèlement sexuel quotidien affecte toutes les femmes en Egypte quels que soient leur âge, milieu professionnel ou économique, statut marital, façon de s'habiller ou comportement", dit Noura Flinkman, gérante de communications chez HarassMap, une association basée au Caire qui lutte contre le harcèlement. "Cela limite la participation des femmes à la vie publique. Ça affecte leur sécurité (...), leur confiance en soi et leur santé."
Les mariages forcés sont une autre plaie de l'Egypte. Zahra Radouane, qui travaille pour le Global Fund for Women, affirme que l'activité économique de "villages entiers", dans la banlieue du Caire notamment, s'organise autour de la traite des femmes et des mariages forcés.
Les mutilations génitales sont la règle : 91% des femmes et des filles sont concernées, soit 27,2 millions de personnes au total, selon l'Unicef. Seul Djibouti a un taux plus élevé (93%).
En Irak, avant-dernier au classement, les droits des femmes ont régressé depuis le renversement de Saddam Hussein après l'occupation du pays par les Etats-Unis en 2003. Les abus au sein de la famille et la prostitution ont augmenté et l'illettrisme est en forte hausse, selon l'Agence des Nations unies pour les réfugiés.
VIOLS ET TORTURES
En Arabie saoudite, les experts notent quelques progrès. Le royaume wahhabite reste le seul pays interdisant aux femmes de conduire mais quelques timides réformes mises en place par le roi Abdallah ont donné aux femmes de nouvelles possibilités d'emplois et ont permis qu'elles fassent davantage entendre leur voix en public.
Depuis le mois de janvier, 30 femmes siègent au Conseil de la Choura, qui compte 150 membres, un organisme consultatif auprès du roi. Le pays n'a pas de parlement. Toutefois, pour travailler, se rendre à l'étranger, ouvrir un compte en banque ou entamer des études supérieures, les femmes saoudiennes doivent solliciter l'autorisation d'un parent masculin.
En Syrie, où la guerre civile fait rage, les forces qui soutiennent le président Bachar al Assad sont accusées par les organismes de défense des droits de l'homme de viol et de tortures à l'encontre des femmes.
"La femme syrienne est une arme de guerre, sujette à des enlèvements et à des viols par le régime et autres groupes", dit une spécialiste de la défense des droits des femmes.
Dans les autres pays qui ont connu des soulèvements du genre "Printemps arabe", la situation est contrastée.
Au Yémen, les femmes ont manifesté à côté des hommes durant la révolte de 2011 et un quota de 30% leur est réservé au sein de l'instance chargée de discuter des réformes constitutionnelles. Mais d'un autre côté, le mariage des enfants est fréquent - il n'y a pas d'âge minimum pour se marier - et, selon le département d'Etat américain, la quasi-totalité des femmes (98,9%) sont sujettes au harcèlement dans la rue.
En Libye, classée 14e pour les droits des femmes, le renversement de Mouammar Kadhafi il y a deux ans n'a pas permis d'inscrire les droits des femmes dans la loi. Les experts parlent d'une hausse des enlèvements, extorsions et abus physiques à l'encontre des femmes.
En Tunisie, pays le mieux classé des pays ayant connu un "Printemps arabe", les femmes détiennent 27% des sièges au Parlement. La contraception est légale, mais la polygamie se développe et le droit successoral favorise les hommes.
Classement décroissant par points :
22. Egypte 74.895
21. Irak 73.070
20. Arabie saoudite 72.680
19. Syrie 72.390
18. Yémen 71.862
17. Soudan 71.686
16. Liban 66.931
15. Territoires palestiniens 66.629
14. Somalie 65.856
13. Djibouti 62.920
12. Bahreïn 62.247
11. Mauritanie 61.490
10. Emirats arabes unis 61.482
9. Libye 61.097
8. Maroc 60.229
7. Algérie 59.130
6. Tunisie 58.545
5. Qatar 58.372
4. Jordanie 58.218
3. Koweït 58.119
2. Oman 58.081
1. Comores 51.375
Avec Karrie Kehoe, Oliver Holmes, Isabel; Coles et Yara Bayoumy, Danielle Rouquié pour le service français, édité par Gilles Trequesser
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Source : Reuters
12/11/2013 à 18:56
Harcèlement sexuel, discriminations et violences diverses envers les femmes : en dépit de la révolution de 2011, l'Egypte est le pays du monde arabe qui apparaît le plus cruel pour les femmes, selon une enquête publiée mardi par la Fondation Thomson Reuters.
L'Irak arrive en deuxième position, suivi par l'Arabie saoudite, la Syrie et le Yémen. Les Comores, où les femmes détiennent 20% des postes ministériels et où les épouses conservent leur terre ou leur maison après un divorce, arrivent en tête, suivies par Oman, le Koweït, la Jordanie et le Qatar.
Pour sa troisième enquête annuelle sur les femmes, la Fondation a interrogé en août et septembre 336 spécialistes dans 21 Etats de la Ligue arabe et en Syrie (suspendue de la Ligue) pour donner un tableau global de la situation des droits des femmes trois ans après les différents "Printemps arabes".
"Comme le montrent les tristes résultats de ce sondage, nous les femmes avons besoin d'une double révolution, l'une contre les divers dictateurs qui ont ruiné nos pays et l'autre contre un ensemble toxique de culture et de religion qui ruine nos vies en tant que femmes", commente l'éditorialiste Mona Eltahawy.
Les questions ont été rédigées à partir des dispositions prévues dans la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination envers les femmes, signée ou ratifiée par 19 Etats arabes.
L'Egypte affiche un mauvais score dans tous les domaines. Les femmes ont joué un rôle central dans la révolution de 2011 mais l'influence croissante des islamistes, qui a culminé dans l'élection du président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, en juin 2012, s'est traduite par un recul pour les droits des femmes.
HARCÈLEMENT SEXUEL
En Egypte, 99,3% des femmes et des filles sont soumises à des faits de harcèlement sexuel, selon un rapport des Nations unies qui remonte au mois d'avril. Ce pourcentage, estiment certains analystes, est le reflet d'une montée générale de la violence dans la société égyptienne depuis cinq ans.
Selon l'ONG Human Rights Watch, 91 femmes ont été violées ou agressées sexuellement en public sur la place Tahrir en juin 2013 quand les manifestations anti-Morsi se sont intensifiées.
"L'acceptation par la société du harcèlement sexuel quotidien affecte toutes les femmes en Egypte quels que soient leur âge, milieu professionnel ou économique, statut marital, façon de s'habiller ou comportement", dit Noura Flinkman, gérante de communications chez HarassMap, une association basée au Caire qui lutte contre le harcèlement. "Cela limite la participation des femmes à la vie publique. Ça affecte leur sécurité (...), leur confiance en soi et leur santé."
Les mariages forcés sont une autre plaie de l'Egypte. Zahra Radouane, qui travaille pour le Global Fund for Women, affirme que l'activité économique de "villages entiers", dans la banlieue du Caire notamment, s'organise autour de la traite des femmes et des mariages forcés.
Les mutilations génitales sont la règle : 91% des femmes et des filles sont concernées, soit 27,2 millions de personnes au total, selon l'Unicef. Seul Djibouti a un taux plus élevé (93%).
En Irak, avant-dernier au classement, les droits des femmes ont régressé depuis le renversement de Saddam Hussein après l'occupation du pays par les Etats-Unis en 2003. Les abus au sein de la famille et la prostitution ont augmenté et l'illettrisme est en forte hausse, selon l'Agence des Nations unies pour les réfugiés.
VIOLS ET TORTURES
En Arabie saoudite, les experts notent quelques progrès. Le royaume wahhabite reste le seul pays interdisant aux femmes de conduire mais quelques timides réformes mises en place par le roi Abdallah ont donné aux femmes de nouvelles possibilités d'emplois et ont permis qu'elles fassent davantage entendre leur voix en public.
Depuis le mois de janvier, 30 femmes siègent au Conseil de la Choura, qui compte 150 membres, un organisme consultatif auprès du roi. Le pays n'a pas de parlement. Toutefois, pour travailler, se rendre à l'étranger, ouvrir un compte en banque ou entamer des études supérieures, les femmes saoudiennes doivent solliciter l'autorisation d'un parent masculin.
En Syrie, où la guerre civile fait rage, les forces qui soutiennent le président Bachar al Assad sont accusées par les organismes de défense des droits de l'homme de viol et de tortures à l'encontre des femmes.
"La femme syrienne est une arme de guerre, sujette à des enlèvements et à des viols par le régime et autres groupes", dit une spécialiste de la défense des droits des femmes.
Dans les autres pays qui ont connu des soulèvements du genre "Printemps arabe", la situation est contrastée.
Au Yémen, les femmes ont manifesté à côté des hommes durant la révolte de 2011 et un quota de 30% leur est réservé au sein de l'instance chargée de discuter des réformes constitutionnelles. Mais d'un autre côté, le mariage des enfants est fréquent - il n'y a pas d'âge minimum pour se marier - et, selon le département d'Etat américain, la quasi-totalité des femmes (98,9%) sont sujettes au harcèlement dans la rue.
En Libye, classée 14e pour les droits des femmes, le renversement de Mouammar Kadhafi il y a deux ans n'a pas permis d'inscrire les droits des femmes dans la loi. Les experts parlent d'une hausse des enlèvements, extorsions et abus physiques à l'encontre des femmes.
En Tunisie, pays le mieux classé des pays ayant connu un "Printemps arabe", les femmes détiennent 27% des sièges au Parlement. La contraception est légale, mais la polygamie se développe et le droit successoral favorise les hommes.
Classement décroissant par points :
22. Egypte 74.895
21. Irak 73.070
20. Arabie saoudite 72.680
19. Syrie 72.390
18. Yémen 71.862
17. Soudan 71.686
16. Liban 66.931
15. Territoires palestiniens 66.629
14. Somalie 65.856
13. Djibouti 62.920
12. Bahreïn 62.247
11. Mauritanie 61.490
10. Emirats arabes unis 61.482
9. Libye 61.097
8. Maroc 60.229
7. Algérie 59.130
6. Tunisie 58.545
5. Qatar 58.372
4. Jordanie 58.218
3. Koweït 58.119
2. Oman 58.081
1. Comores 51.375
Avec Karrie Kehoe, Oliver Holmes, Isabel; Coles et Yara Bayoumy, Danielle Rouquié pour le service français, édité par Gilles Trequesser
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