Linda Caille et Marie Caleb
"Le type même du Maghrébin converti au christianisme est une Maghrébine."
Ainsi Linda Caille, rédactrice en chef du mensuel protestant Mission, ouvre-t-elle son enquête sur les musulmans convertis au christianisme en France. Après une présentation générale, un reportage de Marie Caleb nous fait découvrir sur le vif le milieu des femmes converties. Comme le rappelle un théologien, "la conversion reste le dernier tabou du dialogue interreligieux en France."
Le type même du Maghrébin converti au christianisme est une Maghrébine. Entre 35 ans et 45 ans, issue d'une famille peu pratiquante, ce choix spirituel scelle son intégration dans la société française, tout en restant attachée à sa culture nord-africaine. Pour Loïc Lepape, sociologue des religions à l'EHESS (Ecole de hautes études en sciences sociales): "On se convertit pour se marier ou pour avoir la même religion que son conjoint."
Le mariage est une raison nécessaire, mais pas suffisante. Les convertis au catholicisme, au protestantisme ou au christianisme évangélique témoignent d'une attirance puis d'une forte rencontre avec la personnalité de Jésus, comme maître spirituel. "Je ne comprenais pas pourquoi il fallait jeter ce livre, j'y revenais sans cesse, explique Myriam. Pourquoi les chrétiens étaient-ils des infidèles?" Cette rencontre n'implique pas une entrée immédiate dans une Eglise instituée. Une période de "nomadisme spirituel", aux marges des Eglises, peut durer plusieurs années.
"C'est le fondamentalisme qui déçoit, pas le Coran"
"La foi musulmane met l'accent sur la toute puissance de Dieu, à laquelle le croyant, comme un soldat, est amené à se soumettre, explique Thérèse Lecroart, responsable du catéchuménat pour le diocèse de la Rochelle, passer d'un Dieu tout puissant, à un Dieu d'amour, qui a donné sa vie pour tout homme, est souvent le point le plus difficile à comprendre pour un ex-musulman." Le message coranique insiste sur la crainte du jugement dernier, certains imams martèlent cette menace. Elle doit maintenir le croyant dans un chemin droit. Le quitter, c'est renoncer à une paix promise par l'Islam. Les notions bibliques de pardon accordé gratuitement et d'accueil inconditionnel de l'étranger sont alors valorisées par les personnes qui les accompagnent. "C'est le fondamentalisme qui déçoit, pas le Coran" reconnaît Thérèse Lecroart.
Pour le recteur de la mosquée de Bordeaux, Tareq Oubrou, il est pourtant aisé de rester dans l'islam: "Ses dogmes sont simples. La naissance d'un musulman fait son baptême, il n'y a pas de rite particulier. Devenu adulte, s'il le souhaite, il pourra changer. La foi ne s'injecte pas chez une personne. Je peux comprendre que l'Amour, le Pardon mis en exergue dans le Christianisme séduisent des musulmans comme des athées. Ces notions existent dans le Coran, je tiens à le rappeler, on présente trop souvent l'Islam comme une religion de guerre, dans les livres d'histoire de mes enfantspar exemple."
Un témoignage beaucoup plus valorisé que les raisons de la conversion
Quitter l'Islam, c'est aussi quitter l'Umma, c'est-à-dire la communauté religieuse et sociale formée l'ensemble des Maghrébins, issus de l'immigration. "Quitter l'Islam n'est pas un tabou, mais ce n'est pas bien vu, explique Mohamed Latahy, membre du conseil régional du culte musulman de Strasbourg, ils sont taxés d'arrivisme, se convertir serait une preuve de bonne conduite. Le christianisme reste la religion du colonisateur. Mais la guidance de Dieu ne se juge pas, il vient chercher qui il veut!"
Ces convertis vivent une solitude spirituelle doublée d'une solitude sociale. Loïc Lepape constate: "A peu près 150 Maghrébins demandent le baptême chaque année, au sein de l'Eglise catholique. Ils sont sûrement trois à quatre fois plus à rejoindre les rangs des églises et groupes évangéliques. Ces chiffres sont sans commune mesure avec les 50.000 convertis à l'Islam, selon certaines estimations." La vie communautaire, où la chaleur et la spontanéité des témoignages sont partagées, se retrouve plus naturellement dans les mouvements charismatiques ou les églises évangéliques, que dans les paroisses ordinaires des Eglises historiques. Le témoignage est beaucoup plus valorisé que les raisons de la conversion.
Les communautés évangéliques fondamentalistes et néo-pentecôtistes, offrent aux nouveaux convertis un entourage et une intégration à un groupe soudé autour de valeurs chrétiennes fortes, où les dialogues cuménique et interreligieux sont dénigrés. "La lecture littérale des textes est celle qui prévaut chez les évangéliques fondamentalistes", explique Eve Lanchantin. Cette pasteur arabophone de l'Eglise Réformée continue: "Un converti venant de l'Islam dur n'a pas de mal à se retrouver dans cette lecture de la Bible. C'est celle qu'il a pu connaître du Coran. C'est un repère qui, malgré la conversion, perdure."
Désolidarisation de la cause palestinienne
Ove Ullestadt, théologien protestant,explique : "La création de l'Etat d'Israël en 1946 a confirmé une certaine lecture littérale de la Bible. Cet événement politique était compris par certains mouvements évangéliques fondamentalistes comme un signe tangible de l'accomplissement des Ecritures et une preuve du retour imminent du Christ sur terre. Des Maghrébins nouvellement chrétiens vont jusqu'à se désolidariser de la cause palestinienne et grossir les rangs des mouvements sionistes pour aller jusqu'au bout de leur logique de conversion" reconnaît-il. "Pouvoir changer de religion est une liberté fondamentale, conclut-il. La conversion reste le dernier tabou du dialogue interreligieux en France."
Linda Caille
"Le type même du Maghrébin converti au christianisme est une Maghrébine."
Ainsi Linda Caille, rédactrice en chef du mensuel protestant Mission, ouvre-t-elle son enquête sur les musulmans convertis au christianisme en France. Après une présentation générale, un reportage de Marie Caleb nous fait découvrir sur le vif le milieu des femmes converties. Comme le rappelle un théologien, "la conversion reste le dernier tabou du dialogue interreligieux en France."
Le type même du Maghrébin converti au christianisme est une Maghrébine. Entre 35 ans et 45 ans, issue d'une famille peu pratiquante, ce choix spirituel scelle son intégration dans la société française, tout en restant attachée à sa culture nord-africaine. Pour Loïc Lepape, sociologue des religions à l'EHESS (Ecole de hautes études en sciences sociales): "On se convertit pour se marier ou pour avoir la même religion que son conjoint."
Le mariage est une raison nécessaire, mais pas suffisante. Les convertis au catholicisme, au protestantisme ou au christianisme évangélique témoignent d'une attirance puis d'une forte rencontre avec la personnalité de Jésus, comme maître spirituel. "Je ne comprenais pas pourquoi il fallait jeter ce livre, j'y revenais sans cesse, explique Myriam. Pourquoi les chrétiens étaient-ils des infidèles?" Cette rencontre n'implique pas une entrée immédiate dans une Eglise instituée. Une période de "nomadisme spirituel", aux marges des Eglises, peut durer plusieurs années.
"C'est le fondamentalisme qui déçoit, pas le Coran"
"La foi musulmane met l'accent sur la toute puissance de Dieu, à laquelle le croyant, comme un soldat, est amené à se soumettre, explique Thérèse Lecroart, responsable du catéchuménat pour le diocèse de la Rochelle, passer d'un Dieu tout puissant, à un Dieu d'amour, qui a donné sa vie pour tout homme, est souvent le point le plus difficile à comprendre pour un ex-musulman." Le message coranique insiste sur la crainte du jugement dernier, certains imams martèlent cette menace. Elle doit maintenir le croyant dans un chemin droit. Le quitter, c'est renoncer à une paix promise par l'Islam. Les notions bibliques de pardon accordé gratuitement et d'accueil inconditionnel de l'étranger sont alors valorisées par les personnes qui les accompagnent. "C'est le fondamentalisme qui déçoit, pas le Coran" reconnaît Thérèse Lecroart.
Pour le recteur de la mosquée de Bordeaux, Tareq Oubrou, il est pourtant aisé de rester dans l'islam: "Ses dogmes sont simples. La naissance d'un musulman fait son baptême, il n'y a pas de rite particulier. Devenu adulte, s'il le souhaite, il pourra changer. La foi ne s'injecte pas chez une personne. Je peux comprendre que l'Amour, le Pardon mis en exergue dans le Christianisme séduisent des musulmans comme des athées. Ces notions existent dans le Coran, je tiens à le rappeler, on présente trop souvent l'Islam comme une religion de guerre, dans les livres d'histoire de mes enfantspar exemple."
Un témoignage beaucoup plus valorisé que les raisons de la conversion
Quitter l'Islam, c'est aussi quitter l'Umma, c'est-à-dire la communauté religieuse et sociale formée l'ensemble des Maghrébins, issus de l'immigration. "Quitter l'Islam n'est pas un tabou, mais ce n'est pas bien vu, explique Mohamed Latahy, membre du conseil régional du culte musulman de Strasbourg, ils sont taxés d'arrivisme, se convertir serait une preuve de bonne conduite. Le christianisme reste la religion du colonisateur. Mais la guidance de Dieu ne se juge pas, il vient chercher qui il veut!"
Ces convertis vivent une solitude spirituelle doublée d'une solitude sociale. Loïc Lepape constate: "A peu près 150 Maghrébins demandent le baptême chaque année, au sein de l'Eglise catholique. Ils sont sûrement trois à quatre fois plus à rejoindre les rangs des églises et groupes évangéliques. Ces chiffres sont sans commune mesure avec les 50.000 convertis à l'Islam, selon certaines estimations." La vie communautaire, où la chaleur et la spontanéité des témoignages sont partagées, se retrouve plus naturellement dans les mouvements charismatiques ou les églises évangéliques, que dans les paroisses ordinaires des Eglises historiques. Le témoignage est beaucoup plus valorisé que les raisons de la conversion.
Les communautés évangéliques fondamentalistes et néo-pentecôtistes, offrent aux nouveaux convertis un entourage et une intégration à un groupe soudé autour de valeurs chrétiennes fortes, où les dialogues cuménique et interreligieux sont dénigrés. "La lecture littérale des textes est celle qui prévaut chez les évangéliques fondamentalistes", explique Eve Lanchantin. Cette pasteur arabophone de l'Eglise Réformée continue: "Un converti venant de l'Islam dur n'a pas de mal à se retrouver dans cette lecture de la Bible. C'est celle qu'il a pu connaître du Coran. C'est un repère qui, malgré la conversion, perdure."
Désolidarisation de la cause palestinienne
Ove Ullestadt, théologien protestant,explique : "La création de l'Etat d'Israël en 1946 a confirmé une certaine lecture littérale de la Bible. Cet événement politique était compris par certains mouvements évangéliques fondamentalistes comme un signe tangible de l'accomplissement des Ecritures et une preuve du retour imminent du Christ sur terre. Des Maghrébins nouvellement chrétiens vont jusqu'à se désolidariser de la cause palestinienne et grossir les rangs des mouvements sionistes pour aller jusqu'au bout de leur logique de conversion" reconnaît-il. "Pouvoir changer de religion est une liberté fondamentale, conclut-il. La conversion reste le dernier tabou du dialogue interreligieux en France."
Linda Caille