C'est l'histoire de Mouna, 18 ans, qui a fui le domicile familial de Vaulx-en-Velin en juillet dernier pour éviter un voyage en Tunisie et un mariage forcé avec un vague cousin. Sa soeur Safa avait subi le même sort l'été précédent et Mouna savait donc à quoi s'attendre. Mais un beau matin de septembre, elle a croisé, hasard ou pas, l'un de ses frères dans le bus, qui a aussitôt appelé à la rescousse deux de ses frères. La petite famille s'est retrouvée à un arrêt du 8e arrondissement de Lyon et les trois frères Hadhek ont contraint la jeune fille à monter à bord de la voiture. "Ça a bien duré dix ou quinze minutes, elle se débattait, se jetait à terre, criait au secours, demandait d'appeler la police et pleurait", a expliqué le procureur de la République devant le tribunal correctionnel qui a jugé, mardi, les trois frères pour violence en bande organisée, enlèvement et séquestration.
Cinq passants, choqués par la violence de la scène, ont effectivement appelé le 17 pour dénoncer "un enlèvement". L'un d'eux a même tenté de rattraper la voiture des fuyards. La police n'a pas tardé, grâce à la plaque minéralogique, à retrouver les propriétaires de la voiture et la jeune fille. Ils ont récupéré Mouna à Vaulx-en-Velin au domicile de ses parents. Une famille tunisienne sans histoire. Dix enfants, dont une soeur aînée mariée au pays. Aucun n'avait jamais eu affaire à la police.
"On l'a un peu poussée"
"Ça fait trois mois que les parents n'avaient pas de nouvelles d'elle, ils s'inquiétaient", a expliqué à la barre le plus jeune frère, celui qui a retrouvé la trace de Mouna. "Il y avait une fête religieuse chez nous, on voulait convaincre notre soeur de venir voir les parents", a enchaîné le deuxième. "Elle hésitait à monter dans la voiture, on l'a un peu poussée", a reconnu du bout des lèvres le troisième, "on l'a tenue par la main, on l'a un peu aidée".
"On n'a pas, d'un côté, une famille intégriste et, de l'autre, la volonté d'émancipation d'une jeune fille", a plaidé Ingrid Poulet, l'avocate du plus jeune frère, mais plutôt une question de loyauté entre des fils qui veulent être de bons fils et faire plaisir à leur père et ramener la fille à la maison, et de bons frères qui voudraient laisser à leur soeur le choix de sa vie". "Pour eux, ajoute l'avocate, il n'y avait pas conscience de violer la loi, mais plutôt de faire plaisir à leur père".
"Parce qu'elle a peur", a expliqué son avocate Christelle Panzani, Mouna n'a pas voulu assister à l'audience du tribunal correctionnel. Elle vit avec sa soeur Safa, 21 ans, mariée de force en Tunisie l'été dernier et rentrée en France depuis, dans un appartement dont elles taisent l'adresse à leur famille. Les deux jeunes soeurs n'ont plus de passeports ni aucun autre papier : introuvables. Elles soupçonnent leur famille de les avoir subtilisés. Le tribunal correctionnel a condamné les trois frères à six mois de prison avec sursis et à une interdiction d'entrer en contact avec leurs soeurs. Les deux jeunes filles envisagent néanmoins de déménager une nouvelle fois pour être tranquilles.
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