Le CRIF, ou l histoire dune com bien montée
mardi 6 janvier 2009 - par Leila Belghiti
Alors que les bombes au phosphore [1] pleuvent sur Gaza, en France, cest une véritable offensive des mots qui sabat sur les partisans de la cause palestinienne. Le lobby pro-israélien a décidément plus dun tour dans son sac, et les médias traditionnels français sagenouillent sans complexe tels des bénis oui-oui devant la politique israélienne. À cet effet, inutile de reprendre les analyses très pertinentes de Mohammed Tahar Bensaada sur le traitement médiatique de la situation à Gaza [2]. Sociologues et spécialistes des sciences humaines sont prêts à avouer que nos grands médias traditionnels participent à labêtissement des masses.
Marginal est celui qui ne suit pas le troupeau. Après nous avoir martelé la nécessaire et légitime défense dIsraël face aux tirs de roquettes palestiniens, bombardé de témoignages disraéliens « vivant dans un climat de peur » et fiers de leur armée, nous avons droit à présent à un nouveau tour de force : place au retour du religieux dans le traitement du conflit. Il fallait bien sy attendre, au vu de lampleur des manifestations partout en France et en Europe. Rassuré par la puissance supra-armée de son mentor, Richard Prasquier (Président du Conseil représentatif des institutions juives de France) n hésite pas à jouer la carte de la victimisation.
Dès lundi, des institutions juives ont commencé à signaler une recrudescence dactes antisémites, dont lincendie dune synagogue à Toulouse (que nous condamnons tous bien sûr avec la plus grande fermeté). Le soir même - alors que rien ne justifiait que ces actes aient été portés par des composantes de la communauté musulmane - Michèle Alliot Marie et le CRIF brandissaient en coeur leur crainte dune transposition en France du conflit au Proche Orient par un conflit inter-communautaire (implicitement inter-religieux).
Et manque de tact, Mohammed Moussaoui (Président du CFCM) marche sur la peau de banane et daffirmer à son tour que "le fait de transporter les tensions (du Proche-Orient) sur le territoire français nest pas acceptable, puisquil y va de la cohésion nationale" appuyant ainsi la thèse du conflit inter-religieux soutenue par le CRIF. Dixit R.Prasquier : "il y a eu un certain nombre de lieux doù des appels violents vis- à-vis par exemple de synagogues, sont partis de la part de responsables religieux"[3]. Des preuves ?
Ainsi sopère un dangereux mélange des genres. Il est nécessaire de rappeler que la communauté musulmane de France na jamais eu de difficulté à distinguer la portée politique du conflit israélo-palestinien dune imaginaire portée religieuse. Il n y a strictement pas lieu dévoquer une transposition du conflit en France. Cela na pas de sens et vise très clairement à décrédibiliser les partisans de la cause palestinienne, via une diversion de la véritable problématique du conflit au Proche-Orient.
Pendant ce temps, les chamailleries vont bon train au CFCM sur la nécessité ou non de poursuivre le dialogue avec les institutions juives de France, tandis que le CRIF apporte un soutient inconditionnel à lÉtat dIsraël et refuse toute discussion nabondant pas dans ce sens.
Parallèlement à cela, le CRIF continue de se faire passer pour le tenant de la paix, se complaisant ainsi dans un double discours. Citons à ce titre Haïm Musicant, directeur général du CRIF, dans son article du 05 janvier 2008, à propos de loffensive israélienne à Gaza : « Il sagit daffaiblir la puissance de feu du Hamas, mais en aucun cas de sattaquer à la population civile palestinienne qui est lotage de cette organisation terroriste »[4].
Le défi pour le CFCM est plus que jamais délaborer une véritable stratégie de communication en définissant sans gêne aucune clairement et publiquement ses positions. Laisser cheminer la théorie de la « transposition du conflit » en un conflit inter- communautaire, cest réduire le conflit à une dimension religieuse qui dans les faits est quasi-inexistante, et de facto dénier sa profonde raison politique. Cest faire en sorte que ces événements tragiques de Gaza ninterpellent en majorité que les membres de la communauté musulmane, alors que cest lensemble de la communauté internationale (et non uniquement les pays arabes) qui devrait se sentir concernée. Cest indéniablement participer à un terrorisme dEtat sans précédent qui sexprime en Europe par de subtiles manipulations idéologiques.
[1] article du Times, 05-12-08, Israel rains fire on Gaza with phosphorus shells
http://www.timesonline.co.uk/tol/news/worl...icle5447590.ece
[2]
http://oumma.com/Les-medias-occidentaux-au-secours