PARIS (Reuters) - Jean-Marie Le Pen a comparé Gaza à un ghetto et à un camp de concentration, des propos dénoncés par le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif).
"L'offensive militaire de grande envergure lancée contre les populations civiles concentrées contre ce qui est un véritable ghetto, un véritable camp de concentration, me paraît choquante et je souhaite que cela cesse", a dit le président du Front national lors de ses voeux à la presse.
"Ces gens sont enfermés dans un territoire dont ils ne peuvent pas sortir, il est évident que cela ressemble à un camp de concentration", a ajouté Jean-Marie Le Pen, interrogé sur la situation au Proche-Orient.
Dans un communiqué, le Crif constate que le dirigeant d'extrême droite a utilisé une fois de plus "le vocabulaire d'amalgame outrancier et mensonger qui est sa marque personnelle depuis longtemps" pour "exister médiatiquement."
"Le terme de camp de concentration veut dire quelque chose de très précis, ce sont des camps où les gens mouraient en masse et ce sont des camps où les gens étaient emprisonnés, devaient effectuer des travaux extrêmement pénibles dans lesquels la mortalité était considérable et ça n'est pas du tout ce qui se passe à Gaza", a souligné sur RTL Gérard Prasquier.
Le président du Crif s'est demandé si cela valait vraiment la peine de donner à Jean-Marie Le Pen "ce grand plaisir d'apparaître encore une fois de plus comme le martyr" en attaquant ses propos.
Le président du Front national a été condamné à plusieurs reprises pour ses propos polémiques, notamment lorsqu'il avait qualifié en septembre 1987 l'utilisation par les nazis de chambres à gaz de "point de détail de l'histoire de la Deuxième guerre mondiale."
Gérard Bon
Mustafa Barghouthi: "Et je lirai demain dans vos journaux... "
Et je lirai demain, dans vos journaux, que la trêve est finie à Gaza. Ce nétait donc pas un siège, mais une forme de paix ce camp de concentration fauché par la faim et la soif. Et de quoi dépend la différence entre la paix et la guerre ? De la comptabilité des morts ? Et les enfants rongés par la malnutrition, on les met sur quel compte ?
Meurt-il de guerre ou de paix celui qui meurt parce que lélectricité manque dans le bloc opératoire ? On dit paix quand il ny a pas de missile mais comment dit-on quand tout le reste manque ?
Et je lirai dans vos journaux, demain, que tout cela nest quune attaque préventive, que ce nest quun droit légitime, inviolable dautodéfense. La quatrième puissance militaire du monde, ses muscles nucléaires contre des missiles de tôle, du papier mâché et du désespoir. Et naturellement on va me préciser quil ne sagit pas dune attaque contre des civils et dailleurs comment pourrait-elle lêtre si trois hommes qui causent de la Palestine ici, au coin de la rue, sont pour les lois israéliennes un noyau de résistance et donc un groupe illégal, une force combattante ? si dans les documents officiels nous sommes marqués comme une entité ennemie et, sans plus le moindre frein éthique, le cancer dIsraël ? Si le but est déradiquer le Hamas tout cela renforce le Hamas. Vous arrivez à bord des avions de chasse pour exporter la rhétorique de la démocratie, à bord des avions de chasse vous revenez ensuite étrangler lexercice de la démocratie mais quelle autre option reste-t-il ? Ne la laissez pas vous exploser dessus soudain. Ce nest pas le fondamentalisme quon bombarde en ce moment mais tout ce qui sy oppose. Tout ce qui ne restitue pas gratuitement à cette férocité indiscriminée une haine égale et contraire, mais une parole nue de dialogue, la lucidité de raisonner, le courage de déserter ce nest pas une attaque contre le terrorisme cela, mais contre lautre Palestine, tierce et différente, tandis quelle esquive des missiles coincée entre la complicité du Fatah et la myopie du Hamas. Il était en train de massassiner par autodéfense, jai du lassassiner par autodéfense un jour les survivants le raconteront ainsi.
Et demain je lirai dans vos journaux que tout processus de paix est impossible, les Israéliens, hélas, nont personne avec qui parler. Et en effet comment pourraient-ils lavoir, retranchés derrière un Mur de béton de huit mètres ? Et surtout pourquoi devraient-il lavoir, si la Road Map nest que lénième arme de distraction de masse pour lopinion publique internationale ? Quatre pages où lon nous demande, par exemple, darrêter les attaques terroristes et où lon dit quen échange Israël ne va entreprendre aucune action pouvant miner la confiance entre les deux parties comme textuellement les attaques contre les civils. Assassiner des civils ne mine pas la confiance, mais le droit, cest un crime de guerre, ce nest pas une question de courtoisie. Et si Annapolis est un processus de paix, tandis quen attendant, ici, la seule carte qui progresse sont les terres confisquées, les oliviers arrachés les maisons démolies, les colonies élargies pourquoi alors la proposition saoudienne nest-elle pas un processus de paix ? La fin de loccupation en échange de la reconnaissance de la part de tous les Etats arabes. Pouvons-nous avoir au moins un signe de réaction ? Quelquun là, par hasard, écoute-t-il de lautre côté du Mur ? Mais je suis là à vous raconter du vent. Parce que demain je ne lirai quune ligne dans vos journaux et seulement demain, ensuite je ne lirai, encore, que lindifférence. Et ce nest que cela que je sens, tandis que les F16 survolent ma solitude vers des centaines de dommages collatéraux dont je connais chaque nom, chaque vie seulement un vertige dabandon et dégarement infinis. Européens, Américains et Arabes aussi parce quest devenue la souveraineté égyptienne, au passage de Rafah, la morale égyptienne, au sceau de Rafah ? nous sommes simplement seuls. Vous défilez ici, une délégation après lautre et en parlant, aurait dit Garcia Lorca, les mots restent dans lair, comme des bouchons dans leau. Vous offrez des aides humanitaires mais nous ne sommes pas des mendiants, nous voulons dignité, liberté, des frontières ouvertes, nous ne demandons pas de faveurs, nous revendiquons des droits. Et, au contraire, vous arrivez, indignés et désireux de participer et vous demandez ce que vous pouvez faire pour nous. Une école ?, une clinique peut-être ? des bourses ? Et nous essayons à chaque fois de vous convaincre non, pas la généreuse solidarité, enseignait Bobbio, seulement la sévère justice des sanctions, des sanctions contre Israël. Mais vous répondez neutres à chaque fois et donc partageant le déséquilibre, partisans des vainqueurs non, cela serait antisémite. Mais qui est plus antisémite, ceux qui ont vicié Israël un pas après lautre pendant soixante ans, jusquà le défigurer au point den faire le pays le plus dangereux au monde pour les Juifs ou ceux qui lavertissent quun Mur marque un ghetto des deux côtés ?
Est-il peut-être antisémite de relire Hannah Arendt aujourdhui où cest nous, les Palestiniens son écume de la terre, est-il antisémite de revenir illuminer ses pages sur le pouvoir et la violence, sur la dernière race soumise au colonialisme britannique, qui auraient été, in fine, les Anglais eux-mêmes ? Non, ce nest pas de lantisémitisme, mais lexact contraire, de soutenir les nombreux Israéliens essayant déchapper à une nakbah appelée sionisme. Parce quil ne sagit pas dune attaque contre le terrorisme mais contre lautre Israël, tiers et différent, tandis quil esquive la pensée unique coincé entre la complicité de la gauche et la myopie de la droite.
Je sais ce que je lirai, demain, dans vos journaux. Mais pas dautodéfense, pas dexigence de sécurité. Tout cela ne sappelle quapartheid et génocide. Parce que peu importe que les politiques israéliennes, techniquement, collent ou non au millimètre avec les définitions délicatement ciselées par le droit international, son formalisme aristocratique, sa prétendue objectivité ne sont que lénième collatéralité, ici, qui seconde et multiplie la force des vainqueurs.
Lessence de ces avions est votre neutralité, est votre silence, le son de ces explosions. Quelquun se sentit Berlinois, devant un autre Mur. Combien de morts encore, pour vous sentir des citoyens de Gaza
. Lundi 5 janvier 2009
Mustafa Barghouthi