Françaises et musulmanes, les deux sœurs Lévy, 16 ans et 18 ans, ont été exclues du lycée Henri-Wallon à Aubervilliers, en octobre 2003, pour avoir refusé d'ôter leur foulard en classe. Dans un livre à paraître le 18 février aux éditions La Découverte, elles racontent et s'expliquent.
Extraits.
alma : J'ai fait ma rentrée le mardi 3 septembre, Lila devait la faire le 4. Je me suis présentée à la grille, j'avais un foulard enroulé autour de la tête qui cachait mes cheveux, avec un pull à col roulé, un pantalon et une petite jupe claire. En rentrant, j'ai enlevé mon voile pour ne garder que le foulard. Le proviseur m'a dit : "Mademoiselle, sur la gauche !". Il y avait déjà neuf filles qui avaient quelque chose sur la tête - mais, pour certaines, le chignon était apparent, et on voyait chez toutes les oreilles et le cou. J'étais clairement la plus couverte, j'étais l'"Iranienne" de l'histoire... D'autres filles nous ont rejointes et, à la fin, nous étions quatorze. Le proviseur nous a fait entrer dans son bureau, et il nous a lu l'article 24 du règlement intérieur, qui reprend les termes de la circulaire Bayrou : "Le port, par les élèves, de signes discrets manifestant leur attachement à des convictions, notamment religieuses, est admis dans l'établissement ; mais le port par les élèves de signes ostentatoires qui, par leur nature même, sont des éléments de prosélytisme ou de discrimination, est interdit." Nous avons eu droit à un laïus sur le prosélytisme et la discrimination ; j'ai voulu protester et il m'a fait taire (visiblement, il ne voulait pas que les autres profitent de mes arguments). Nous étions toutes ensemble dans le bureau mais il s'est adressé à nous l'une après l'autre : "Toi (nom, prénom), tu as le choix : ou tu enlèves ton voile et tu montes en cours, ou tu rentres chez toi jusqu'à ce que j'aie vu tes parents samedi." Nous sortions au fur et à mesure. Les filles étaient en pleurs, elles pensaient vraiment que c'était interdit. Elles montaient en cours tête nue - ou, souvent, elles gardaient leur bandana en promettant de l'enlever le lendemain. À la fin, nous n'étions plus que deux. L'autre fille a dit au proviseur : "Eh bien ! vous allez convoquer mon père." Elle a donné son nom et j'en ai fait autant. Puis nous sommes sorties et nous sommes malgré tout dirigées vers les classes qui nous étaient affectées. En cours, pour moi, ça s'est passé normalement. Simplement, quand le professeur a distribué les carnets de correspondance avec le règlement intérieur, il a dit en me regardant : "Il y a une demoiselle dans la classe qui soulignera bien l'article 24." Je lui ai répondu que je ne me sentais pas du tout concernée. Le proviseur devait faire le tour des classes pour se présenter. Quand il m'a vue, il s'est mis à hurler pour me faire sortir et le professeur de même, ajoutant que j'aurais pu avoir la politesse de l'informer. Je suis alors sortie en disant qu'il y avait un malentendu. C'est aussi ce qui est arrivé à l'autre fille.
Alma : Spontanément, je n'ai pas hésité. Comme je l'ai dit, je pensais que nous subirions des pressions, mais pas de cet ordre. Quant à mes camarades, j'ai pensé : "les pauvres". Elles claquaient la porte et insultaient le proviseur, alors que je demeurais polie - ce qui semblait le déranger encore plus. En passant dans les couloirs, j'ai croisé la fille qui, comme moi, avait opposé un refus catégorique. Elle était en pleurs et craignait les représailles de son père, un Kabyle, qui l'avait déjà battue à plusieurs reprises cet été quand elle avait mis son foulard. Comme il croyait qu'elle ne le mettait que dehors, il avait pensé qu'elle ne rencontrerait pas de problème à l'école. Mais quand il est rentré le soir, après l'appel du proviseur, il l'a frappée violemment. Elle avait le dos en morceaux. Par la suite, elle enlevait le foulard à la grille et le remettait dans la cour, quand on ne la voyait pas, pour l'enlever de nouveau en classe. Plusieurs filles se comportaient ainsi, restant toujours à l'affût, se faisant traîner au bureau du proviseur dès qu'il traversait la cour et les apercevait.
Extraits.
alma : J'ai fait ma rentrée le mardi 3 septembre, Lila devait la faire le 4. Je me suis présentée à la grille, j'avais un foulard enroulé autour de la tête qui cachait mes cheveux, avec un pull à col roulé, un pantalon et une petite jupe claire. En rentrant, j'ai enlevé mon voile pour ne garder que le foulard. Le proviseur m'a dit : "Mademoiselle, sur la gauche !". Il y avait déjà neuf filles qui avaient quelque chose sur la tête - mais, pour certaines, le chignon était apparent, et on voyait chez toutes les oreilles et le cou. J'étais clairement la plus couverte, j'étais l'"Iranienne" de l'histoire... D'autres filles nous ont rejointes et, à la fin, nous étions quatorze. Le proviseur nous a fait entrer dans son bureau, et il nous a lu l'article 24 du règlement intérieur, qui reprend les termes de la circulaire Bayrou : "Le port, par les élèves, de signes discrets manifestant leur attachement à des convictions, notamment religieuses, est admis dans l'établissement ; mais le port par les élèves de signes ostentatoires qui, par leur nature même, sont des éléments de prosélytisme ou de discrimination, est interdit." Nous avons eu droit à un laïus sur le prosélytisme et la discrimination ; j'ai voulu protester et il m'a fait taire (visiblement, il ne voulait pas que les autres profitent de mes arguments). Nous étions toutes ensemble dans le bureau mais il s'est adressé à nous l'une après l'autre : "Toi (nom, prénom), tu as le choix : ou tu enlèves ton voile et tu montes en cours, ou tu rentres chez toi jusqu'à ce que j'aie vu tes parents samedi." Nous sortions au fur et à mesure. Les filles étaient en pleurs, elles pensaient vraiment que c'était interdit. Elles montaient en cours tête nue - ou, souvent, elles gardaient leur bandana en promettant de l'enlever le lendemain. À la fin, nous n'étions plus que deux. L'autre fille a dit au proviseur : "Eh bien ! vous allez convoquer mon père." Elle a donné son nom et j'en ai fait autant. Puis nous sommes sorties et nous sommes malgré tout dirigées vers les classes qui nous étaient affectées. En cours, pour moi, ça s'est passé normalement. Simplement, quand le professeur a distribué les carnets de correspondance avec le règlement intérieur, il a dit en me regardant : "Il y a une demoiselle dans la classe qui soulignera bien l'article 24." Je lui ai répondu que je ne me sentais pas du tout concernée. Le proviseur devait faire le tour des classes pour se présenter. Quand il m'a vue, il s'est mis à hurler pour me faire sortir et le professeur de même, ajoutant que j'aurais pu avoir la politesse de l'informer. Je suis alors sortie en disant qu'il y avait un malentendu. C'est aussi ce qui est arrivé à l'autre fille.
Alma : Spontanément, je n'ai pas hésité. Comme je l'ai dit, je pensais que nous subirions des pressions, mais pas de cet ordre. Quant à mes camarades, j'ai pensé : "les pauvres". Elles claquaient la porte et insultaient le proviseur, alors que je demeurais polie - ce qui semblait le déranger encore plus. En passant dans les couloirs, j'ai croisé la fille qui, comme moi, avait opposé un refus catégorique. Elle était en pleurs et craignait les représailles de son père, un Kabyle, qui l'avait déjà battue à plusieurs reprises cet été quand elle avait mis son foulard. Comme il croyait qu'elle ne le mettait que dehors, il avait pensé qu'elle ne rencontrerait pas de problème à l'école. Mais quand il est rentré le soir, après l'appel du proviseur, il l'a frappée violemment. Elle avait le dos en morceaux. Par la suite, elle enlevait le foulard à la grille et le remettait dans la cour, quand on ne la voyait pas, pour l'enlever de nouveau en classe. Plusieurs filles se comportaient ainsi, restant toujours à l'affût, se faisant traîner au bureau du proviseur dès qu'il traversait la cour et les apercevait.