La lettre de Sabrina Sellami à Emmanuel Macron
« Monsieur le Président,
Voilà à présent bientôt un an, je perdais successivement mon bien aimé père puis mon cher frère, tous deux victimes de la Covid-19.
L’épidémie en France était à ses tout débuts et les hôpitaux se préparaient semble-t-il déjà depuis un moment à l’idée de savoir comment et dans quelles circonstances le patient zéro se présenterait à eux.
Accueillis dans nos hôpitaux dans la précipitation, la confusion et l’incompréhension, ils ont malheureusement fait les frais de protocoles souvent humainement difficiles à supporter et que l’on pensait nécessaires pour se protéger de cet ennemi invisible.
Cette rigueur, poussée à son paroxysme, a fait vivre une prise en charge et une fin de vie misérables à ces pauvres victimes ainsi qu’à leurs proches.
Nous, les familles, avons souffert et continuons à ce jour à souffrir de ne pas avoir pu accompagner nos défunts dans ces moments extrêmes de leur vie. Nous ressentons un sentiment lourd de culpabilité. Ils nous faisaient confiance ! Et nous, nous avions confiance dans notre système, censé faire respecter notre droit le plus fondamental à la dignité humaine.
Mais au final, ils sont partis comme des pestiférés, un corps ou plutôt un emballage bourré de virus et dont il fallait se débarrasser au plus vite.
Ils ont été mis dans un sac plastique arrosé de javel, nus, sans toilette préalable et les orifices bouchés, sans que l’on puisse leur dire adieu.
Puis, ils ont été jetés dans un cercueil sans rite religieux pour les croyants, enterrés comme des anonymes. Et comme il n’y a pas eu de levée de corps le doute s’est emparé de nous. Est-ce bien nos morts que nous enterrions ?
Ces procédures trop dures, douloureuses et irrespectueuses humainement ont été fort heureusement par la suite rediscutées, leur côté trop immoral dénoncé vivement mais cependant, nous, parmi les premiers affectés, nous vivons avec ce traumatisme d’avoir abandonné nos proches.
Aujourd’hui, malgré cette crise sanitaire qui perdure, hélas, nous souhaitons que ce mal-être qui nous empêche d’avancer soit pris en compte.
Le corps médical, qui a récemment publié sur ce point un éminent professeur régulièrement invité sur les plateaux TV, spécialisés dans l’information, décrit parfaitement et reconnaît l’exagération des protocoles et les débordements à l’origine de nos souffrances.
Nous souhaiterions à présent que le premier homme de l’Etat nous accueille, nous, représentants de l’association Victimes du Covid-19…
Ce geste nous aiderait à ne plus nous sentir coupables d’avoir abandonné nos proches.
Nous souhaiterions entendre que le système dans lequel nous avions confiance avait trouvé des failles responsables de l’abîme et les conditions indignes dans lesquelles nos martyrs sont partis : des hommes et des femmes qui avaient des projets de vie, des passions, des perspectives pour notre monde, agissant au sein d’associations culturelles, sportives, humanitaires, œuvrant pour la planète et qui auraient mérité bien plus que la Légion d’honneur.
Monsieur le Président, rendons-leur l’hommage que notre société respectueuse de ces valeurs qu’ils défendaient leur doit. Cette marque de respect pourra servir de modèle aux hommes et aux femmes qui continueront à faire avancer notre monde dans la sérénité et la conscience de bien faire les choses.
Nous savons au moment où nous parlons que la priorité est le combat pour éradiquer ce virus meurtrier. Le moment venu, nous devrons nous pencher sur cette journée de deuil national et nous pourrons en débattre avec vous.
Monsieur le Président, je vous ai entendu et écouté vous adresser aux peuples du monde entier, rappelant et défendant les valeurs fondamentales de respect de l’homme et de la vie, honorant la mémoire des disparus, victimes de guerres et d’injustices.
Aujourd’hui, ce sont nos proches partis dans des conditions indignes et malheureuses qu’il faut réhabiliter par cet hommage. Je vous remercie au nom de toutes celles et ceux qui croient en ces valeurs que vous défendez et tous ceux qui, en vous écoutant rendre cet hommage officiel, viendront collaborer et œuvrer à un monde meilleur.
Dans l’attente de vous rencontrer, je vous prie d’agréer, monsieur le Président, l’assurance de ma haute considération. »
Dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron que nous dévoilons, Sabrina, endeuillée par le décès de son père et de son frère en mars, demande
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