Au royaume des wahhabites, les terroristes sont rois dès lors qu'ils suivent une cure de « réhabilitation » et prennent femme. Un programme de retour à une vie normale et à un islam modéré fortement controversé.
Le paradoxe n'est pas mince. D'un côté, l'Amérique découvre avec horreur la vraie nature des pratiques d'interrogatoire réservées aux terroristes présumés incarcérés à Guantanamo.
De l'autre, le royaume wahhabite d'Arabie saoudite « réhabilite » ces mêmes terroristes (les considérant comme radicalisés à la suite des sévices infligés) en leur offrant confort et prospérité, dans l'espoir de les « réconcilier » avec le genre humain.
Présentée comme une initiative modèle par le régime saoudien, plébiscitée par le Pentagone, la cure réservée aux djihadistes (issus en partie des geôles de Guantanamo) dans l'enceinte du Care Rehabilitation Center, à 100 kilomètres au sud de Ryad, a pour vocation de les désaccoutumer de la « guerre sainte ».
A ce jour, 2 000 djihadistes ont suivi le programme instruit dans les prisons de Ryad et derrière les murs du Care Rehabilitation Center. Baptisés les « égarés », ces toxicos de l'explosif et du meurtre organisé suivent un stage d'une durée de deux mois destiné à les remettre dans le droit chemin. Au programme : art thérapie et activités spor tives, (re)lecture du Coran et cours de « rééducation »...
Entre un Pepsi et une partie endiablée de PlayStation, Nasser pique une tête dans la piscine de l'établissement, histoire de se détendre. Ce soir : match de foot avec les gardiens du centre et prêche du cheikh juste avant d'aller se coucher. Recrutés pour leur autorité et leur prestige dans le monde musulman, des religieux, localement aussi célèbres que des pop stars, interviennent quotidiennement auprès des pensionnaires, afin de rétablir la vérité sur la charia (loi islamique) et de vanter les mérites d'un islam modéré.
Dans deux mois, Nasser, un bon élève, va retrouver la liberté, ainsi qu'un emploi, un logement et... une femme. Le généreux royaume verse une pension mensuelle de 700 dollars aux anciens « déviants », selon la phraséo logie saoudienne.
La famille est vivement sollicitée pour trouver une épouse au nouveau repenti.
La femme devient l'outil de la stabilité et la clef de l'enrichissement personnel, puisque, s'il accepte l'élue, le jeune marié empoche un chèque de 20 000 dollars auquel s'ajoute une voiture flambant neuve. Force est de constater que la femme (saoudienne) n'a jamais eu autant de valeur !
Ce combat contre l'extrémisme a été développé par le gouvernement saoudien depuis que le pays a été secoué par une vague d'attentats, entre 2003 et 2006, qui ont coûté la vie à plus d'une centaine de personnes. Premier Etat à créer une cellule de « désintoxication » pour ses extrémistes, l'Arabie saoudite est paradoxalement considérée comme le premier producteur de terroristes au monde (dont leur réprésentant le plus emblématique, Oussama Ben Laden). Selon Farès Ben Houzam, spécialiste d'al-Qaida et éditorialiste au quotidien Al-Riyadh, «près de 5000 Saoudiens, en majorité des adolescents, se sont déjà rendus en Irak, et leurs motivations ne sont pas matérielles »!
L'Arabie saoudite a formé la majorité des terroristes étrangers
Et il ne faut pas oublier que, depuis le milieu des années 80, c'est le royaume wahhabite qui a formé les plus gros contingents de combattants étrangers en Afghanistan, en Bosnie et en Tchétchénie, ainsi que la majorité des kamikazes du 11 septembre 2001...
Et le problème est loin d'être réglé : il y a moins d'une semaine, le prince Mohammed Ben Nayef Ben Abdelaziz, membre éminent de la famille royale, responsable de la lutte antiterroriste du gouvernement et fondateur du programme de réhabilitation, a échappé de justesse à un attentat suicide, immédiatement revendiqué par al-Qaida.
Le kamikaze, un djihadiste recherché, avait exprimé son souhait de se rendre au prince afin de lui adresser son mea culpa et d'intégrer son centre de réinsertion...
Le pourcentage de récidive - entre 10 et 20 % d'anciens « curistes » ont réintégré des réseaux - n'a pas empêché l'initiative saoudienne de faire école. La Libye, la Malaisie, l'Indonésie ont ouvert des programmes similaires dans leurs prisons. La Grande-Bretagne s'en inspire pour ses jeunes des quartiers. Tous ces bons sentiments finiront-ils par l'em porter ? On est en droit d'en douter quand on sait que le grand mufti d'Arabie saoudite, président du Conseil des grands oulémas - la plus importante autorité du pays -, vient d'habiliter les enfants impubères à diriger la prière collective du vendredi. Pourvu qu'ils sachent lire le Coran...
Le Figaro - CLAUDIE BARAN 04/09/2009
Le paradoxe n'est pas mince. D'un côté, l'Amérique découvre avec horreur la vraie nature des pratiques d'interrogatoire réservées aux terroristes présumés incarcérés à Guantanamo.
De l'autre, le royaume wahhabite d'Arabie saoudite « réhabilite » ces mêmes terroristes (les considérant comme radicalisés à la suite des sévices infligés) en leur offrant confort et prospérité, dans l'espoir de les « réconcilier » avec le genre humain.
Présentée comme une initiative modèle par le régime saoudien, plébiscitée par le Pentagone, la cure réservée aux djihadistes (issus en partie des geôles de Guantanamo) dans l'enceinte du Care Rehabilitation Center, à 100 kilomètres au sud de Ryad, a pour vocation de les désaccoutumer de la « guerre sainte ».
A ce jour, 2 000 djihadistes ont suivi le programme instruit dans les prisons de Ryad et derrière les murs du Care Rehabilitation Center. Baptisés les « égarés », ces toxicos de l'explosif et du meurtre organisé suivent un stage d'une durée de deux mois destiné à les remettre dans le droit chemin. Au programme : art thérapie et activités spor tives, (re)lecture du Coran et cours de « rééducation »...
Entre un Pepsi et une partie endiablée de PlayStation, Nasser pique une tête dans la piscine de l'établissement, histoire de se détendre. Ce soir : match de foot avec les gardiens du centre et prêche du cheikh juste avant d'aller se coucher. Recrutés pour leur autorité et leur prestige dans le monde musulman, des religieux, localement aussi célèbres que des pop stars, interviennent quotidiennement auprès des pensionnaires, afin de rétablir la vérité sur la charia (loi islamique) et de vanter les mérites d'un islam modéré.
Dans deux mois, Nasser, un bon élève, va retrouver la liberté, ainsi qu'un emploi, un logement et... une femme. Le généreux royaume verse une pension mensuelle de 700 dollars aux anciens « déviants », selon la phraséo logie saoudienne.
La famille est vivement sollicitée pour trouver une épouse au nouveau repenti.
La femme devient l'outil de la stabilité et la clef de l'enrichissement personnel, puisque, s'il accepte l'élue, le jeune marié empoche un chèque de 20 000 dollars auquel s'ajoute une voiture flambant neuve. Force est de constater que la femme (saoudienne) n'a jamais eu autant de valeur !
Ce combat contre l'extrémisme a été développé par le gouvernement saoudien depuis que le pays a été secoué par une vague d'attentats, entre 2003 et 2006, qui ont coûté la vie à plus d'une centaine de personnes. Premier Etat à créer une cellule de « désintoxication » pour ses extrémistes, l'Arabie saoudite est paradoxalement considérée comme le premier producteur de terroristes au monde (dont leur réprésentant le plus emblématique, Oussama Ben Laden). Selon Farès Ben Houzam, spécialiste d'al-Qaida et éditorialiste au quotidien Al-Riyadh, «près de 5000 Saoudiens, en majorité des adolescents, se sont déjà rendus en Irak, et leurs motivations ne sont pas matérielles »!
L'Arabie saoudite a formé la majorité des terroristes étrangers
Et il ne faut pas oublier que, depuis le milieu des années 80, c'est le royaume wahhabite qui a formé les plus gros contingents de combattants étrangers en Afghanistan, en Bosnie et en Tchétchénie, ainsi que la majorité des kamikazes du 11 septembre 2001...
Et le problème est loin d'être réglé : il y a moins d'une semaine, le prince Mohammed Ben Nayef Ben Abdelaziz, membre éminent de la famille royale, responsable de la lutte antiterroriste du gouvernement et fondateur du programme de réhabilitation, a échappé de justesse à un attentat suicide, immédiatement revendiqué par al-Qaida.
Le kamikaze, un djihadiste recherché, avait exprimé son souhait de se rendre au prince afin de lui adresser son mea culpa et d'intégrer son centre de réinsertion...
Le pourcentage de récidive - entre 10 et 20 % d'anciens « curistes » ont réintégré des réseaux - n'a pas empêché l'initiative saoudienne de faire école. La Libye, la Malaisie, l'Indonésie ont ouvert des programmes similaires dans leurs prisons. La Grande-Bretagne s'en inspire pour ses jeunes des quartiers. Tous ces bons sentiments finiront-ils par l'em porter ? On est en droit d'en douter quand on sait que le grand mufti d'Arabie saoudite, président du Conseil des grands oulémas - la plus importante autorité du pays -, vient d'habiliter les enfants impubères à diriger la prière collective du vendredi. Pourvu qu'ils sachent lire le Coran...
Le Figaro - CLAUDIE BARAN 04/09/2009