Washington peut-il renverser trois gouvernements à la fois ?
"Ukraine, Venezuela, Syrie... Dans les trois cas, la narration US repose sur les mêmes principes : accuser les gouvernements d'avoir tué leurs propres citoyens, qualifier les opposants de « démocratiques », prendre des sanctions contre les « meurtriers », et en définitive opérer des coups d'Etat. Chaque fois, le mouvement débute par une manifestation au cours de laquelle des opposants pacifiques sont tués, et où les deux camps s'accusent des violences. En réalité des forces spéciales US ou de l'OTAN, placées sur les toits, tirent à la fois sur la foule et sur la police. Ce fut le cas à Deraa (Syrie) en 2011, à Kiev (Ukraine) et à Caracas (Venezuela) cette semaine..."
"Washington tente ainsi de montrer au monde qu'il est toujours le maître. Pour être plus sûr de lui-même, il a lancé les opérations ukrainiennes et vénézuéliennes durant les Jeux Olympiques de Sotchi. Il était certain que la Russie ne bougerait pas de peur de voir sa fête troublée par des attentats islamistes. Mais Sotchi a pris fin ce week-end. C'est désormais au tour de Moscou de jouer."
Très optimiste... En fait, les Jeux ne sont pas vraiment terminés : il y a encore les "paralympiques", du 7 au 16 mars. Donc, pour Poutine, trois semaines de sursis... à l'issue desquelles il n'aura plus à aborder un sujet sorti de l'actualité. Sauf, bien sûr, si l'est et le sud de l'Ukraine se soulèvent - ce qui n'est guère probable à en juger par les réactions deux jours après le putsch.
Il semblerait que le Parti des régions se disloque : il lui est difficile d'être plus "royaliste" que le "roi" déchu, surtout si un certain nombre de ses députés ont été achetés. Il y a bien quelques protestations contre le coup d'Etat, mais elles reprochent surtout aux putschistes de "ne pas avoir respecté l'accord du 21 février conclu à l'initiative de l'UE", "accord" suite auquel Ianoukovitch avait "fait des concessions" balayées le lendemain (voir plus haut). A Kharkov, un forum auquel ont pris part 3.000 délégués du sud et de l'est ainsi que des représentants de la Russie, a accouché d'une "résolution" pas très convaincante . Ce n'est pas cela qui va changer quoi que ce soit à la situation...
En Russie, Poutine se tait mais son ministre des Affaires étrangères déclare : "Nous appelons instamment tous les acteurs impliqués dans la crise en Ukraine à faire preuve d'un maximum de responsabilité, à ne pas laisser la situation s'aggraver davantage, à la ramener dans le cadre de la légalité et à réprimer sévèrement les extrémistes avides de pouvoir..." Qui sont ces extrémistes et qui devrait les réprimer ? Mystère... En tout cas, pas un mot pour appeler les choses par leur nom, pas un mot pour dénoncer le coup d'Etat, pas un mot en faveur du président élu...
Pour Dimitri Medvedev, "la légitimité de toute une série d'organes du pouvoir en Ukraine suscite de sérieux doutes" : c'est tout ce qu'on voudra mais pas une condamnation. Ce qui chiffonne le Premier ministre russe, c'est que "des gens qui se baladent dans Kiev avec des masques noirs et des kalachnikovs sont le gouvernement". Autrement dit, et là Medvedev rejoint Lavrov, dès que les Timochenko, Klitch et Yats auront mis en place un "gouvernement" sans masques noirs ni kalach en bandoulière, tout sera parfait. Le problème, ce sont les gangsters qui écument les rues, pas ceux qui se sont emparés du Parlement et de l'Etat.