1Ere partie
Batoul tremble, réajuste son foulard, ferme les yeux. Elle tend ses lèvres à Hamza, divorcé endurci, dans l'intimité de son appartement cossu, se dénude et fait l'amour avec cet homme qui ne sera jamais son
mari. Le long-métrage de Aziz Salmy, Amours Voilées, a hérissé les poils de barbe de Abdelbari Zemzmi et autres partisans (de la renaissance) de la vertu. La polémique prend vite forme et Abdelilah Benkirane, numéro 1 du PJD, accuse le film, sur France 24, d'être une entrave à lexpansion de lislam, et y voit une influence sioniste, quelque chose qui véhicule une mauvaise image des jeunes voilées. Le tout, bien entendu, sans avoir vu le film. Une promotion énorme pour la première uvre cinématographique de Aziz Salmy, un discrédit total pour nos pieux politiciens. Et, surtout, une relance sur l'éternel débat autour du voile. Et de tout ce quil peut cacher : sexe, amour, religion, frustrations, effet de mode
ou rien du tout.
Lillusion du halal
Pourquoi mettre le voile si on n'en est pas convaincue ?, lance Samira, 42 ans, secrétaire dans le médical. Le hijab est avant tout un pacte personnel, avec ses règles et ses principes, poursuit-elle. Son voile, elle le noue depuis quinze ans autour du cou. J'aurais agi de la même manière avec ou sans voile, explique la quadra, pieuse et religieuse depuis qu'elle sait lire et comprendre le Coran, dit-elle. J'entends souvent autour de moi : tu es encore jeune, tu n'as que faire de ce zif autour de la tête, vis ta vie, tu n'en as qu'une ! Sauf que moi, j'ai orienté ma vie comme bon me semble, selon les principes de l'islam. Rien ne m'a empêchée, avant mon mariage, d'avoir des amis, de partager des choses avec des hommes, le tout dans le respect des limites.
Aboubakr Harakat, psychologue et sexologue à Casablanca, a reçu dans son cabinet plusieurs filles portant le foulard. Si le mot voilée l'irrite, c'est parce que pour lui, comme pour plusieurs autres spécialistes, il y a une différence entre le port du voile et celui du foulard, accessoire vestimentaire et religieux. Il y a aussi tellement de genres, entre le hijab, le khimar, le niqab et le foulard, plus communément appelé zif ou derra en darija, qu'il est difficile de généraliser. Plus qu'une mode après la révolution iranienne, c'est l'emblème, même si l'expression est un peu forte, d'une religion paganisée, explique le docteur. Le constat dressé par le sexologue l'amène à définir le phénomène du foulard comme une adaptation du concept religieux. Ces filles-là vivent comme toutes les autres qui ne portent pas le voile, avec leurs problèmes et leurs contradictions. Même si on le met dans une cuirasse ou une armure, le corps est là, les sensations sont là, lessentiel est là, reprend Harakat.
Emmitouflées dans des sacs de farine ou dans des vêtements plus que moulants, les femmes voilées restent avant tout des femmes, avec leurs désirs sexuels, leur part d'érotisme, leur humanité. Quant à la catégorisation, elle s'opère via le niveau d'adhésion aux préceptes religieux. Le psychologue détaille : Certaines voilées refusent d'être en tête à tête avec un homme et imposent la présence d'une tierce personne. D'autres acceptent d'avoir des amis, des camarades, des petits copains,