Une réécriture de l'histoire
Plus largement, ces références historiques revisitées illustrent l'interprétation que Vladimir Poutine fait de l'histoire de la Russie et de l'Ukraine. "Pour Poutine, la Russie ne peut exister que comme un empire, comme ce fut le cas avec l'URSS. Si elle est faible, elle risque de ne plus exister", analyse Vera Ageeva, professeure associée à la Haute école des études économiques (HSE) à Saint-Pétersbourg, en Russie. Au nom de la sécurité de la Russie, l'Ukraine ne doit donc pas rentrer dans le giron occidental. Et elle a tort de se percevoir comme une victime de l'impérialisme tsariste, puis soviétique, et désormais russe, puisqu'elle fait partie de la Russie.
En juillet 2021, dans
un texte intitulé De l'unité historique des Russes et des Ukrainiens, Vladimir Poutine assure ainsi que les Ukrainiens et les Russes ne sont qu'un seul et même peuple et que "l'Ukraine moderne est entièrement une création de l'époque soviétique". Il accuse l'Ukraine d'être devenue indépendante à cause de "personnes radicalisées" et de"néonazis".
Pour les pays occidentaux, le président russe franchit avec ce texte une nouvelle étape dans son rapport de force avec l'Ukraine. Pour la chercheuse Vera Ageeva, Vladimir Poutine cherche avant tout à s'adresser aux Russes. Ces derniers "ont perdu des millions de soldats et de civils durant la Seconde Guerre mondiale, cette référence à l'histoire est au cœur du discours russe contre l'Occident", étaye-t-elle. Mais, alors que la Russie traverse une crise économique, le dirigeant cherche aussi à raviver un thème qui pourrait faire consensus au sein de la population.
Cette rhétorique a-t-elle
un effet sur les citoyens russes ? En 2014, Vladimir Poutine avait obtenu leur soutien lors de l'annexion de la Crimée, mais aujourd'hui, "les Russes sont plus conscients de la façon dont le Kremlin et ses médias peuvent les manipuler, ils savent qu'il n'y a pas de génocide, pas de preuves, assure Vera Ageeva. Ils savent que pour Poutine, l'Ukraine est un maillon territorial dans des enjeux bien plus larges."