L’antisionisme des grands Sages de la Torah
Quant aux grands rabbins de la fin du xixe siècle et du début du xxe, les plus grands « Sages de la Torah » d’Europe qui tentaient de maintenir la religion juive face à la sécularisation, au libéralisme, au socialisme et aux conversions, qu’ils fussent de tendance hassidique ou anti-hassidique, ils ont été dans leur écrasante majorité violemment hostiles au sionisme et ont cherché à le délégitimer précisément au nom de la tradition religieuse. Lorsque le sionisme politique est apparu, presque tous les grands maîtres de la Torah, les autorités spirituelles les plus élevées, les Sages hassidiques, les chefs des grandes académies talmudiques lituaniennes et d’Europe de l’Est ont totalement et violemment condamné l’idée nationale d’un retour collectif en Terre d’Israël. Cette quasi « unanimité antisioniste » est d’ailleurs remarquable, tant le judaïsme religieux avait été divisé au xviiie siècle par le hassidisme et ses opposants ! Or les deux camps ennemis se retrouvaient à présent exactement sur la même position contre l’idéologie nationaliste. Pour tous ces rabbins, la Torah est sans aucune ambiguïté à ce sujet : il est strictement interdit au peuple juif, frappé par Dieu du châtiment de l’Exil pour ses terribles fautes, de chercher à « accélérer » la Rédemption et la délivrance. Du point de vue des Sages, le juif doit absolument s’abstenir de « précipiter la Fin », souffrir en silence, et attendre patiemment dans sa société d’accueil que Dieu se souvienne de son peuple et mette fin au châtiment. Tout essai de renaissance nationale de type sioniste, par décision humaine, s’apparentait pour eux à une rébellion contre Dieu, une tentative de lui « forcer la main ».