« Euros for Docs », une base inédite sur les liens entre industrie pharmaceutique et professionnels de santé
Malgré l’obstruction technique de l’industrie pharmaceutique, le site Eurosfordocs.eu, lancé mardi 1er juin, met en lumière ses liens d’argent avec le monde de la santé, générateurs de possibles conflits d’intérêts.
Par
Stéphane Horel
Publié aujourd’hui à 02h17, mis à jour à 09h11
Article réservé aux abonnés
Plus de 7 milliards d’euros. C’est la somme astronomique versée par l’industrie pharmaceutique aux professionnels de santé dans onze pays européens en trois ans (de 2017 à 2019). Honoraires pour une activité de consultant, intervention dans un congrès, voyage et frais pour y assister, siège dans un conseil scientifique consultatif… : le détail de ces largesses que les laboratoires comptabilisent comme
« transferts de valeur » est désormais rassemblé sur
Eurosfordocs.eu (« des euros pour les docteurs »), un site Internet ouvert à tous.
Lancée mardi 1er juin, cette base de données permet d’accéder aux informations extraites de quatre registres publics ou issues d’initiatives de transparence de l’industrie dans sept pays. Les requêtes pourront interroger la base par nom de professionnel, d’organisation ou de firme, mais aussi par catégorie de paiement, par pays et par année. Son nom est un clin d’œil à la base américaine « Dollars for Docs », pionnière du genre, proposée depuis 2012 par le site d’investigation ProPublica.
Article réservé à nos abonnés Lire aussi Conflit d’intérêts : l’impossible accès aux contrats conclus entre les laboratoires et les médecins
Deux cracks en informatique sont à l’origine de ce projet réalisé bénévolement. Aidés d’étudiants, Pierre-Alain Jachiet et Luc Martinon ont consacré de longues semaines à localiser, extraire, nettoyer et harmoniser ces données avant de pouvoir les verser dans cette unique base.
« Tout démontre que l’influence de l’industrie pharmaceutique sur les médecins, les institutions politiques et les processus de réglementation est pernicieuse, expliquent les informaticiens.
La pression des médias et des citoyens est la seule solution pour faire changer les mentalités. »
La Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques (Efpia), l’organisation de lobbying du secteur, avance pour sa part que
« la collaboration de l’industrie avec les professionnels de la santé profite aux patients ». Or, deux décennies d’études universitaires et d’enquêtes journalistiques ont largement démontré l’inverse : les liens d’argent et de réciprocité entre laboratoires et monde de la santé sécrètent des conflits d’intérêts nocifs à la fois pour la recherche, l’évaluation des produits de santé, le conseil aux décideurs publics, mais aussi et surtout pour la qualité des soins délivrés aux patients.
Guerre technique
Epicentre de la transparence sur ces informations cruciales longtemps restées dans le secret, la loi américaine dite « Sunshine Act » a imposé, en 2010, aux laboratoires de déclarer aux Etats-Unis leurs paiements aux médecins dans une base de données publique. En Europe, seuls le Portugal et la France sont équipés d’une législation comparable.
Il vous reste 74.89% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Malgré l’obstruction technique de l’industrie pharmaceutique, le site Eurosfordocs.eu, lancé mardi 1er juin, met en lumière ses liens d’argent avec le monde de la santé, générateurs de possibles conflits d’intérêts.
www.lemonde.fr