Les effets du coronavirus font craindre une déroute de l’économie mondiale
Ni l’assassinat d’un général iranien par les forces américaines, ni la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne, ni même l’apparition d’un nouveau coronavirus à Wuhan, en Chine, n’avaient troublé les marchés financiers.
On avait fini par se représenter les investisseurs, gavés de liquidités par les banques centrales, comme les Lotophages de l’Odyssée. La perspective d’une pandémie, après la découverte de foyers de contamination allant de l’Iran à l’Italie, a réveillé les mangeurs de lotus, en mode panique.
- Vendredi, le CAC 40 a perdu 3,38 % pour clôturer à 5 309,9 points. En cinq séances, l’indice-phare de la Bourse de Paris a cédé environ 12 %, comme l’Euro Stoxx 50.
- Avec des baisses entre 10,5 % et 12,4 %, les trois grands indices des valeurs américaines ont connu leur pire semaine depuis octobre 2008. Autrement dit le mois suivant la faillite de Lehman Brothers.
- Du côté des marchés obligataires, les primes de risque se sont tendues sur les titres des entreprises les moins bien notées.
Un investissement « déjà encalminé »
« Pour l’instant, nous envisageons toujours une reprise de la croissance au cours de 2020, même si l’impact de l’épidémie risque de se prolonger jusqu’au deuxième trimestre », note Esty Dwek, responsable de la stratégie de marché chezNatixis Investment Managers. Impossible, pourtant, d’écarter l’hypothèse que le Covid-19 puisse être le catalyseur d’une crise de plus grande ampleur.
Sur le plan économique d’abord. La paralysie en Chine pèse sur la croissance domestique, puis sur les chaînes d’approvisionnement des multinationales qui ont besoin de composants fabriqués dans les usines chinoises pour assurer leur production. Témoin de l’impact du coronavirus sur l’empire du Milieu : l’activité manufacturière s’est écroulée en février à son plus bas niveau jamais enregistré, selon les chiffres publiés samedi 29 février par le Bureau national des statistiques (BNS). Et les données sont encore plus mauvaises dans le secteur des services.
De quoi alimenter les inquiétudes sur une déroute de l’économie mondiale. Car la consommation dans les pays occidentaux est aussi affectée. Le tourisme, le transport aérien, les loisirs (hors Netflix) souffrent déjà. Une récession mondiale se profile. En Europe, elle semble inévitable. « La croissance européenne était juste au-dessus de la ligne de flottaison. Elle va passer en dessous », résume Gilles Moëc, chef économiste du groupe Axa. « Normalement, il y a une forme de rattrapage après une crise de ce type, mais il ne faudrait pas qu’entre-temps les dommages aient été tels que l’on ne puisse plus faire redémarrer la machine », poursuit-il.
L’investissement, « déjà encalminé », selon M. Moëc, pourrait le rester car avant de lancer de nouveaux projets, les entreprises attendront d’évaluer les cicatrices politiques de l’épidémie. Un « appel à poursuivre la déglobalisation » pourrait en faire partie, indique Mohamed El-Erian, conseiller économique d’Allianz, dans une tribune à Bloomberg.
La « finance de l’ombre » éprouvée
Une autre préoccupation renvoie, cette fois, aux propres fragilités des marchés financiers. « Quand la mer se retire, on voit ceux qui nagent sans maillot de bain », aime à dire le célèbre investisseur américain Warren Buffett : après des années d’argent facile qui ont conduit entreprises, investisseurs et Etats à empiler des dettes, les marchés financiers ont de quoi prendre des allures de camps de naturistes du Cap d’Agde. « Certaines entreprises n’investissent pas, n’embauchent pas mais ne survivent que parce que les taux d’intérêt sont bas. D’un point de vue macroéconomique, leur disparition ne serait pas une mauvaise nouvelle », analyse Didier Saint-Georges, membre du comité d’investissement de Carmignac.