L’activité au port est toujours animée et le dernier bateau est déjà parti. Il faut attendre le matin. «Tout le monde descend. Que personne ne reste dans l’auto se plient aux ordres. Un couple se rebelle tellement il en a marre. Mais c’est peine perdue. Tout le monde passe la nuit à la belle étoile. Allongés à même le sol, certains essayent de trouver le sommeil malgré le sentiment d’insécurité ressenti, sans parler des piqûres de moustiques. Des habitués utilisent leur sac de couchage. Heureusement, l’air est doux. Le staff dort bien sûr dans l’autocar. A l’aube du troisième jour, la traversée se fait en une heure à bord d’un «ferry». Certains en profitent pour faire un brin de toilette. Arrivée à Ceuta à 5h du matin. A la frontière marocaine, l’argent collecté par Saïd n’aura servi à rien. Les douaniers demandent de descendre les bagages. Sous le regard attentif des voyageurs, un agent procède à fouille de quelques sacs sans grande conviction. Cela prend beaucoup moins de temps que leur remise en place.
Seul moment de détente, lors de ce premier contact avec le sol marocain, un vendeur ambulant de thé à la menthe et de «msemmen»: la collation coûte un euro.
Après le passage de la Douane, l’autocar poursuit son chemin. Les voyageurs ignorent tout du trajet. Toute question sur l’itinéraire trouve réponse agressive. «Voyez avec l’Haj, c’est à lui de vous expliquer», répond Mohamed.
Passé Tétouan, l’autocar s’arrête dans un village où le staff se restaure gratuitement dans sa gargote habituelle. Arrivée à Tanger vers 13h. Le chauffeur refuse d’aller jusqu’à la gare routière malgré la colère des passagers. Certains menacent de faire appel à la police. Le chauffeur n’en fait qu’à sa tête. Ses acolytes ordonnent à tout le monde de descendre. Attirés par l’arrivée d’un autocar de «l’Kharij», porteurs, mendiants et taxis se précipitent sur le véhicule. En quelques secondes, la soute à bagages est encerclée.
Comme à la criée, Saïd et Mohamed sortent les bagages pêle-mêle et appellent les voyageurs pour identifier leurs sacs et valises, les mettre en lieu sûr ou se les faire porter à l’intérieur de la gare. La foule devient tellement nombreuse qu’on ne distingue plus les passagers des intrus. Les bagages entassés devant l’autocar font penser à une vente aux enchères. Le spectacle est désolant.
La criée terminée, tout le monde se dirige à l’intérieur de la gare.
L’autocar dans lequel on doit finir le voyage part dans une heure. Fatigués, affamés et surtout dégoûtés, les voyageurs veillent sur leurs bagages. Un moment d’inadvertance peut coûter cher.
Après près de deux heures, l’autocar sort de la gare. Les gens étouffent de chaleur à l’intérieur. Les voyageurs n’ont même plus la force de protester. Seul objectif: arriver chez eux et dormir. La prochaine visite au bled est renvoyée aux calendes grecques.
L’autocar fait escale à Assilah, Larache, Kénitra et Salé. De Rabat à Casa, le chauffeur a même jugé utile de «chasser» des places à gauche et à droite, question de se faire un peu d’argent. On arrive à la gare Ouled Ziane de Casablanca à 21h. Epuisés, les voyageurs on vécu un véritable cauchemar… qu’ils ne sont pas près d’oublier.