L'interpellation de Théo, victime d'un viol présumé lors d'une interpellation à Aulnay-sous-Bois, a créé un électrochoc chez un autre jeune homme, qui a vécu une histoire similaire à Drancy.
Pour les policiers, l'affaire Théo est un "fait isolé". Pourtant, dix jours après l'interpellation du jeune homme de 22 ans, gravement blessé au niveau de la zone rectale et qui accuse un policier de l'avoir violé avec une matraque à Aulnay-sous-Bois, la colère ne faiblit pas. "Un certain nombre d'entre nous avons subi des humiliations, des attouchements", assurait un manifestant samedi, à Bobigny. Chez certains d'entre eux, la médiatisation du cas de Théo ravive de douloureux souvenirs. C'est le cas d'Alexandre, 28 ans, qui assure avoir vécu une histoire similaire à Drancy, en Seine-Saint-Denis, il y a plus d'un an.
"J'ai crié, j'ai pleuré". Alexandre, "c'est un gars normal, qui faisait un peu de bruit un soir de match de foot, en bas de sa cité", raconte à Europe 1 Me Joseph Cohen-Saban, son avocat. Le 29 octobre 2015, sous l'emprise de l'alcool, il aurait "outragé" un équipage de police municipale, appelé pour tapage nocturne. Les agents ont alors décidé de l'interpeller, lui menottant les mains dans le dos. "Je suis tombé par terre, il y avait une femme ou un homme qui me tirait par les épaules, pendant que l'autre m'avait rentré la matraque", a raconté le jeune homme, interrogé par C Politique. "J'ai crié, j'ai pleuré. Il m'a dit que je me rappellerai de la police municipale, que plus jamais je ne parlerai comme ça."
Au commissariat, le médecin judiciaire a prescrit à Alexandre dix jours d'Incapacité totale de travail (ITT). "Plaie anale de 1,5 cm. Violences volontaires, comme ils disent", décrit la victime. "Pour moi, un objet qui te rentre dans l'anus, ce n'est pas une violence volontaire. Pour moi, c'est un viol." Des traces de sang ont été prélevées dans la voiture des policiers municipaux et sur les sous-vêtements du jeune homme. Sur la matraque, l'ADN d'un policier municipal a été relevé.
"La peine requise est minable". Pourquoi ce cas n'a-t-il pas connu le même retentissement que celui de Théo ? À l'époque, "la famille d'Alexandre était morte de honte", raconte Me Cohen-Saban. "Ils préféraient qu'on ne sache pas ce qui s'était passé." Le jeune homme, lui-même, a choisi de ne pas s'exprimer auprès des médias. "Mais quand ils ont commencé à parler de Théo, la première chose qu'il m'a dit, c'est 'je ne comprends pas pourquoi tout le monde se fout de mon histoire à moi'", explique son avocat. Un an et demi après les faits, Alexandre est suivi par un psychologue. Ancien couvreur, il a dû abandonner son emploi en raison des séquelles de sa blessure. "Il n'a pas voulu dire à son patron ce qui lui était arrivé", souffle son conseil.
Comme dans le cas de Théo, les faits ont été requalifiés : initialement inculpé pour "viol en réunion", le policier dont l'ADN a été retrouvé sur la matraque a finalement été jugé pour "violences volontaires avec arme". Attendu aux assises le jour du procès, Joseph Cohen-Saban a été représenté par son associée, mais a suivi l'audience de près. "Tout le monde était sur la ligne 'le bâton a ripé', c'était ça la défense", déplore l'avocat. "La peine requise (six mois de prison avec sursis et un an d'interdiction d'exercer, ndlr) est minable, et le tribunal semblait s'en satisfaire lorsqu'elle a été énoncée."
La cour d'appel pourrait regarder les choses différemment.
"On va devoir faire appel". "Depuis le début, nous expliquons que les faits sont criminels, mais le parquet a complètement verrouillé le débat", fulmine le conseil. "C'est la même histoire que Théo, la seule différence c'est que pour Alexandre, c'était un policier municipal. Avec la police nationale, il y a l'IGPN (inspection générale de la police nationale, ndlr), les choses prennent une ampleur différente."
Désormais, le jeune homme et son avocat espèrent que la médiatisation autour de la famille de Théo, qu'ils prévoient de rencontrer prochainement, leur sera favorable. "L'objectif est que le tribunal se déclare incompétent, mais je pense que ça ne sera pas le cas et qu'on va devoir faire appel", souligne Me Cohen-Saban. "Et dans le contexte, la cour d'appel pourrait regarder les choses différemment."
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