Pourquoi Jésus est-il mort ?
Comme beaucoup de questions d’enfants, celle-ci va droit à l’essentiel. Plusieurs réponses sont possibles et présentes, de fait, dans l’Ecriture.
Il est mort… parce qu’on l’a tué !
Cette évidence mérite d’être rappelée, ne serait-ce que pour éviter la représentation morbide et perverse ! - d’un Jésus doloriste recherchant la souffrance et la mort pour apaiser le courroux divin… Jésus n’a pas voulu mourir et a même demandé à son Père que "cette coupe s’éloigne" de lui. Il n’est pas allé à la mort de gaieté de coeur. Il est mort parce qu’on l’a tué.
Et pourquoi l’a-t-on tué ?
On l’a tué, nous disent les évangiles, parce que sa parole et son comportement avaient fini par faire de Jésus un gêneur. Avec sa manie de dire la vérité, de faire la vérité, ceux qui l’avaient d’abord accueilli avec joie finirent par déchanter et s’en mordre les doigts ! "La lumière est venue dans le monde, et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs oeuvres étaient mauvaises." [Jn 3:19].
Certains avaient des motifs religieux d’en vouloir à Jésus : ses prétentions leur paraissaient incompatibles avec la Loi. Ainsi l’hostilité grandissante d’une partie de ses compatriotes (cf. par exemple Mc 3:6; Lc 4:29-30; Jn 2:13-22) obtint-elle gain de cause lorsque le Sanhédrin condamnera Jésus pour blasphème. Après avoir rapporté la guérison du paralysé de la piscine, un jour de sabbat, Jean note d’ailleurs très explicitement : "C’est pourquoi les Juifs cherchaient à le (Jésus) faire mourir, car non seulement il violait le repos du sabbat, mais encore il disait que Dieu était son propre Père, et il se faisait ainsi l’égal de Dieu" (Jn 5/18).
À ces condidérations, s’en ajoutaient d’autres plus stratégiques ou politiques. Sans même parler d’une éventuelle déception de la part de Judas ou d’autres disciples appartenant à la mouvance nationaliste - qui auraient espéré voir Jésus prendre la tête d’une insurrection contre les Romains -, il est probable que les autorités en place aient profité de l’occasion pour dissuader le peuple de se révolter contre l’occupant. Et, de fait, la meilleure manière d’obtenir de l’administration romaine une sentence de mort à l’encontre de Jésus, c’était de le présenter comme prétendant à la royauté et donc ennemi de l’empereur (cf. Jn 19:12). On a dû invoquer ici la raison d’état, et beaucoup pensaient sans doute, comme Caïphe, qu’ "il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple" (Jn 11:50). Jésus subit donc le supplice romain de la crucifixion.
Il convient de noter ici que, instruit par l’expérience de son peuple et l’exemple des prophètes, Jésus lui-même a dû s’attendre à subir le sort de ces derniers : cf. Mt 5:11; Mt 22:31; Mt 23:31; Mt 23:37; Lc 13:33…etc.
Le scandale par excellence !
Mais, pour pertinente qu’elle soit, cette première réponse est insuffisante. La mort de Jésus ne se réduit pas à la "liquidation" d’un gêneur. Car la vraie question est celle-ci : Si Jésus est le Fils de Dieu, comment peut-il mourir ? … et, qui plus est, d’une mort aussi infamante ? Dès le début, c’est bien, en effet, ce qui fait problème : "Les Juifs demandent des miracles et les Grecs recherchent la sagesse; mais nous, nous prêchons un messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens" [1 Co 1:22-23]. Un détail qui en dit long sur le traumatisme et le scandale qu’a été la mort de Jésus pour ses disciples : il a fallu, semble-t-il, attendre le 3ème siècle pour qu’on ose représenter le crucifix, c’est-à-dire Jésus en croix !
Ce n’est qu’à la lumière de Pâques que, peu à peu, toute la vie de Jésus prend un sens… y compris sa mort. En relisant tel ou tel psaume, et plus encore les descriptions du Serviteur et du juste souffrant (Is 42/1-44/5; Is 49:1-13; Is 50:4-11; Is 52/13-53/12; Is 61), les disciples entrevoient une cohérence, n’hésitant pas à dire que Jésus est mort "selon les écritures"[1 Co 15:3]. Dès lors, "ne fallait-il pas que le Christ endurât ses souffrances ?" [Lc 24:26]
Ce qui est sûr, c’est qu’on se condamne à ne rien comprendre à ce scandale si l’on dissocie ce que les premiers chrétiens ne dissociaient jamais, à savoir la mort et la Résurrection de Jésus qui, elle aussi, doit se comprendre "selon les écritures" (1 Co 15/4).