(...)
Ma seconde critique concerne la méthodologie aiguillant sa réflexion.
Là où un discours rigoureux eut été souhaitable, arqué autour de la déconstruction d'une pensée rigide par un recours académique à une donne sociologique et à une vue historicisée des circonstances du devenir de la pensée islamique, Bidar ne propose que l'appropriation par tout un chacun d'un Islam "à la carte", où il s'agit pour chacun de décider par lui-même que retenir et appliquer, et surtout comment le faire, en saupoudrant le tout d'une méthodologie à peine esquissée. Si cela participe d'un désir emphatique d'en revenir vers un Islam plus "humain" et en phase avec les valeurs - récurrentes dans son exposé - de la modernité (sans qu'elle soit purement occidentale ici) au sens de valeurs universelles, il ne risque pas de convaincre grand-monde en s'adossant à un discours qui propose entre autres de faire son tri dans les piliers de l'Islam pour ne retenir que ceux qui paraitraient adéquats selon une perception personnelle de la religion.
Dans une religion aussi communautaire que l'Islam, où se voit souvent atrophiée la culture de l'individualisme, autant dans la forme appropriative d'une religiosité qui tend à priver l'individu de choix quant à ses devoirs religieux, que dans l'aspect dogmatique qui ne se décline pas selon la libre pensée du croyant, il est plus que certain qu'un exposé aussi peu enclin à la rigueur, à la référence "établie" ou au recours à l'autorité, ne persuadera guère un public majoritairement en quête d'une discursivité qui ne promeut ni le libre-arbitre ni la non-conformité.
C'est en cela que je regrette la manière dont il procède, laquelle revient en finale à desservir la thèse qu'il élabore en n'offrant pas un argumentaire rigoureux, nourri de références historiques et fondé sur un abord critique des thèses de base du système de pensée inhérent à l'Islam historique. Au contraire, il fait l'impasse sur l'indispensable retour aux sources critique sur les raisons humaines et sociétales ayant catalysé et ensuite congelé l'essor de la pensée théologique de l'Islam au cours des âges.
C'est très agréable à lire, et bien analysé, sauf que vous renvoyez Bidar à une méthodologie que vous savez impossible...Bref vous bottez en touche parce qu'aucun
" recours académique à une donne sociologique et à une vue historicisée des circonstances du devenir de la pensée islamique" (sic), ne mettra jamais les piliers de l'Islam en discussion...